Coopérateur, consommateur, travailleur: l'individu en tension - Hajar EL Karmouni

Je vous transmet un article de Hajar El Karmouni sur La Louve qui parle de la tension subie par les membres de La Louve en tant que coopérateurs/consommateurs et « travailleurs ».

Elle pose des questions très intéressantes, même si je ne suis pas sur de bien comprendre la proposition qui conclue l’article.

A lire !
chapitre GESS - Coopérateur consommateur travailleur - l’individu en tension- janvier 2018.pdf (181,6 Ko)

Salut Antonin, impatient de découvrir le doc !

Il n’apparaît pas, si t’as moyen de renvoyer le doc - lien ?

Pour rappel, elle avait fait une première thèse très intéressante « Le travail du consommateur pour la mise en place d’une alternative, cas du supermarché coopératif la louve »
Le lien traîne sur le forum, mais étonnamment pas de discussion autour (ou je le trouve pas).
Je créé un fil dédié, si dès fois ca inspire des échanges.

Merci Clément, j’ai reposté le doc. ça devrait marcher.

Bonjour Antonin.
Merci pour ce partage. Il fait effectivement écho à ce que nous vivons au sein de notre coopérative, cette dissonance entre nos valeurs éthiques et les contraintes économiques. Nous sommes à la fois coopérateurs et consommateurs. Effectivement je saisis mal ce qu’ils entendent par : « la figure du travailleur devrait tendre à disparaître »

Oui je me posais la meme question. Sa conclusion semble etre qu’il faur arreter d’exiger une participation des membres…

Ah non ! Ça, jamais ! Vazy Antonin va défendre notre modèle participatif à la visio intercoop sur l’engagement :wink:

Bonjour merci pour ce partage.
Il me semble en effet que c’est ce qui est préconisé car selon leur analyse, l’implication en tant que « salarié » et la réalité économique lié à la survie du projet ( c’est un argument souvent développé : le projet serait pérenne car les dépenses salariales sont contenues grâce au travail de chacun) se ferait au détriment de l’implication au projet politique.
Ce que j’en comprends : la contre partie à profiter de la coopérative d’achat vente serait les quelques heures de travail fournies et non l’implication dans le développement du projet et les prises de décision d’orientation.

Celles ci devenant de fait la chasse gardée de quelques uns… qui eux même travaillent plus que ce qui est attendu et de fait prennent l’ascendant sur les autres eut égard à leur niveau d’implication et du coup au respect que ça engendre et mérite. Quitte à ce que ça se traduise par un abandon de certaines valeurs qui réunissaient au départ mais qui elles aussi sont confrontés à une réalité de management économique du projet.

Une étudiante en Master avait réalisé un travail à la coop des domes et elle aussi arrivait à une conclusion mitigée sur l’exigence de départ et la réalité à l’œuvre. Sa conclusion était en quelques sortes de dire que les membres de la coop devraient à terme radicaliser leur discours et leur décision afin de coller aux fondamentaux qui avaient construits et dictés le projet, plutôt que de chercher le développement sans s’assurer d’une vraie adhésion aux valeurs, juste pour que l’équilibre financier soit atteint. Cette non adhésion entraînant de fait des attentes soit insatisfaites à terme, soit satisfaites mais au prix d’exercice de grand écart pour tous

Je suis un des rares a l’avoir lu dans son intégralité. La simple lecture de sa conclusion ayant conduit à ce qu’il soit rapidement jeté aux oubliettes car il était à contre courant des orientations dictées par le chiffre d’affaire.

C’est un autre exemple des écueils nombreux auxquels ces projets sont confronté. Quelque soit la pureté du projet au départ, lorsque la machine est lancée et que les charges de loyer, de frais de fonctionnement divers et variés etc… arrivent, il faut parvenir à l’équilibre. Et là, lorsque la réalité économique est dans la place il faut être sacrément solide et volontaire pour respecter la qualité des produits, les producteurs, les salariés et les coopérateurs, et maintenir un haut niveau d’exigence dans tous ces domaines et ne pas trahir les grands principes de départ.
Ça met en tension l’ensemble des rôles développés par cette chercheuse…

Une solution de facilité est alors de s’en remettre aux décisions de quelques uns et de se limiter à son rôle de consommateur/travailleur.
Ce qui renvoit à son analyse car ce cheminements fait disparaître la notion de consomm’acteur.

Et j’imagine qu’a la lecture de ce que j’écris, vous l’aurez compris à demi mot, je parle en connaissance de cause… :wink:

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Bonjour,
Merci pour ce partage super intéressant.
Je comprends également que considérer le coopérateur principalement comme un travailleur (pour toutes les « bonnes » raisons listées auparavant) est une dérive.
Sa conclusion radicale, peut être lue de plusieurs points de vue me semble t’il.

On peut ne pas remettre en cause les 3h, c’est à la fois la dimension impérieuse et obligatoire de ces 3h qu’il faut remettre en question (souplesse de leur gestion) mais aussi la qualité du LIEN qui relie les coopérateurs entre eux et avec les « gestionnaires » de la Coop. Si ce lien est obnubilé, monopolisé, par les dimensions techniques, économiques et statistiques du fonctionnement, alors nous perdons totalement le sens et la raison d’être « transformative » de la coopérative.

Nous vivons ce phénomène ici bien que nous en ayons pleinement conscience. Pour plein de raisons nous sommes dans un contexte de croissance lente de notre coopérative (potentiel démographique et « culturel » plutôt réduit car nous sommes en zone rurale) qui nous conduit à intégrer des coopérateurs qui ne se rendent pas totalement compte du sens et de la profondeur des valeurs qui fondent notre projet. On se rend compte que les motivations à adhérer sont très variées et parfois sans lien direct et fort avec nos valeurs centrales. Dans ce contexte il y a grand risque à réduire la relation à celle d’un apporteur de main-d’oeuvre faute de pouvoir partager plus de sens.
Nous devons veiller à organiser des moments de partage, festifs ou plus sérieux, dans lesquels nous essayons de remettre les valeurs et le projet « politique » au centre. Ceux que ça rebute prendront d’eux-mêmes leurs distances.

Par ailleurs, la dérive est la même au sein des membres du BUREAU. Plus il y a de tensions (Croissance lente, organisation, COVID, etc.) plus les membres du Bureau passent leur temps à « gérer » et à organiser. Nous perdons notre âme dans les chiffres. Nous l’avons fortement ressenti au cours des 18 dernières mois.

Pour faire face à cette dérive nous tentons de remettre en place les ateliers, rencontres, conférences-débats, que nous avons dû abandonner en 2020, et qui sont ouvertes à tout le monde (coopérateurs ou pas). Elles sont porteuses de nos valeurs et nous espérons qu’elles amélioreront la visibilité et la compréhension par tous de ce qui fonde notre Coop. Et qu’elles pourraient avoir un rôle transformatif (sans prétention ni naïveté…).

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En tension, c’est ça : une supercoop aujourd’hui, c’est un peu comme une cocotte-minute, avec des molécules d’eau qui partent dans tous les sens sans qu’on puisse prévoir exactement comment ! C’est un ensemble fragile d’équilibres dialectiques qui ne sont jamais vraiment résolus, et tant mieux, parce que ça laisse la place à un maximum de monde dans la construction du projet. Il y a donc bien une ambiguïté opérationnelle dans la création et le développement d’un supermarché coopératif, comme l’avait relevé @Antonin-Molino-Caget dans son mémoire, si j’ai bonne mémoire :slight_smile: Autrement dit, les valeurs c’est important, mais c’est précisément parce qu’on assume de ne pas les graver dans le marbre que le projet peut se développer et accueillir un maximum de monde !

Sinon, pour rebondir un peu sur vos réponses J-No et Corinne, j’ai l’impression que les travaux sociologiques d’El Karmouni et alii laissent de côté une figure pourtant centrale dans nos projets : celle de l’entrepreneur.euse. Elles semblent en effet considérer que les salarié.e.s de nos entreprises sont présent.e.s de façon abstraite, pour exécuter en quelque sorte mécaniquement la volonté populaire de l’ensemble des coopérateurs.trices. Mais pourtant, les salarié.e.s ne sortent pas de nulle part, ce sont bien souvent les porteurs.euses du projet à la base, et il est clair qu’elles et ils ont une influence majeure sur l’élaboration et l’application des politiques à l’œuvre dans la coop, avant d’y être salarié.e.s (ou pas, d’ailleurs, nesspas les Grenoblois)… donc je ne m’aventurerais pas à dire que la figure du.de l’entrepreneur.euse « social.e et solidaire » réalise une synthèse entre celles du.de la coopérateur.trice, du.de la consommateur.trice et du.de la travailleur.euse, mais qu’il serait intéressant de l’interroger un peu plus, tatzol ! À vous les sociologues :wink:

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Bonjour,
Ce qui me manque à la lecture de l’article, c’est toute la dimension humaine et sociale (temps d’échange, de lien social, de mixité, de solidarité…) qui animent ces fameux temps de travail. Faire son créneau dans un magasin coopératif n’a pas grand chose à voir à un travail salarié dans une GMS.

Non seulement tu avais lu le mémoire, mais en plus tu en a retenu au moins une info… ça me touche au plus profond de mon coeur.
La bise fraternelle mon vieux Sechskornbrot !

Jean-Claude / Coopératives DIONY COOP de St-Denis.
Actuellement, plusieurs sociologues se penchent sur le fonctionnement des Supermarchés coopératifs… Hajar, qui en a fait sa thèse bien sûr, mais aussi Alica Hardy, « Entre-soi et mixité sociale au supermarché coopératif-l’exemple de la Cagette à Montpellier », Alban Ouahab, « La longue marche des épiceries coopératives », l’AIMS, « La délibération sociocratique ou l’évacuation du politique-Analyse d’un dispositif de gestion par consentement au sein d’un supermarché coopératif »…
En général, les commentaires sont assez critiques !
De mon côté, j’ai commencé l’écriture d’un livre sous la thématique : « Epicerie associative, supermarché coopératif, coopérative alimentaire autogérée, Epi, Quel modèle choisir ? ».
Simplement pour vous informer et aussi pour dire…

Salut Richard,

Merci pour les reférences.
J’ai lu avec beaucoup de plaisir l’article de L’AIMS qui m’a beaucoup intéressé parce que la coop dont il est question suit exactement le meme développement que La Cagette depuis sa création (a quelques mois prés) et il se trouve que nous nous utilisons les memes méthodes de travail collectives : Gestion par consentement, elections san candidats, etc.
Par contre je ne trouve aucune trace de la coop dont ils parlent en cherchant sur internet : « CONSOMX ». Quelqu’un sait de quelle coop il s’agit ? est ce un nom pour anonymiser la coop ?

Sinon, je trouve tous ces travaux trés enrichissants et il est bien normal qu’ils soient « critiques » car c’est le travail des chercheurs que de critiquer. C’est super d’avoir ces etudes là pour nous remettre en question et nous faire progresser. Je n’y vois rien de négatif.

PS : Concernant le mémoire d’Alicia Hardy, attention à ne pas le mettre dans la même catégorie. Alicia a écrit son mémoire dans le cadre d’un stage de master en gestion des organisations de l’ESS qu’elle a fait à La Cagette. ça n’est pas un travail de sociologue qui a la même rigueur que les travaux Aban Ouahab et Hajar El Khamouny.

Oui et on en causait naguère, la réussite économique n’est pas au rdv pour beaucoup de projets de SCP en ce moment, donc je vous rejoins tous deux sur la nécessité d’une critique impérieuse ! Moi je me suis lancé dans un second projet à Metz en me jurant de ne pas faire les mêmes erreurs, et du coup je passe mon temps à faire… d’autres erreurs :smiley: je serai en tous cas très intéressé par la lecture de l’opus de notre noeud pap’ favori, ainsi que par les mémoires de Molino quand il en aura achevé la diction dans son château lozérien !

Pour répondre avec bien du retard à Antonin, CONSOMX, je pense que c’est BEES Coop à Bruxelles. Kévin Pastier a fait en avril-août 2020 une « recherche-action » sur la gouvernance et l’autogestion à BEES Coop et l’on retrouve dans le texte de l’AIMS pas mal de choses présentes dans le diagnostic…
Voir en ligne : https://gestion.bees-coop.be/documents/74
Sinon, j’ai fini le livre sur les différents modèles et je serai très critique vis-à-vis de la sociocratie…
A bientôt et salut à Antonin et à Julien
Jean-Claude / Les DIONY COOP de St-Denis

Bonjour,
Si vous avez connaissance d’autres publications scientifiques sur les épiceries coopératives et participatives, je suis preneur !

Encore deux ans de patience pour la publication de la thèse de Clotilde Grassart :wink:

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Salut, Merci Julien :sweat_smile:

Par contre, on est souvent sollicité pour répondre à des sondages sur les projets d’épiceries coopératives et participatives, avez-vous déjà eu des résultats ? Je cherche des stats sur la taille, nombre, orientation des projets en France. Merci

Bonjour Ali,
Je travaille depuis sept ans sur tous les modèles d’épiceries ouvertes par les consommateurs… Je suis en contact Email avec plus de 300 (enfin, celles qui veulent bien me répondre). Il y aura dans le livre à paraître sur les différents modèles (la semaine prochaine) un état des supermarchés coopératifs avec quelques chiffres qui m’ont été fournis (merci et toutes et tous). Il y aura aussi la liste des 189 épiceries associatives ouvertes majoritairement dans les petits villages (ce qui me semble le plus intéressant).
A+
Jean-Claude Richard - barijo@wanadoo.fr

J’en ai une p’tite : le mémoire d’une de nos adhérentes sur le projet sœur de la Grande Epicerie Générale de Nancy, j’ai pas encore lu mais je balance, zou !
Mémoire complet.pdf (4,7 Mo)
Merci à Émilie G. pour son travail et la publicité de celui-ci :slight_smile: