"Coop ou pas coop de trouver une alternative à la grande distribution ?" - Frustration Magazine

Une remise en question avec une opinion forte du modèle de la louve et des « supermarchés coopératifs » pour plus d’autogestion :

Je trouve certaines critiques bien justifiées pour s’approcher d’initiatives plus libertaires. Par contre, avec mon biais d’informaticien, je regrette un peu que l’on arrive pas à voir l’informatique libre (les logiciels libres) comme un vecteur d’aide au service de l’humain (au contraire d’autres initiatives privatrice ou développement logiciel non communautaire qui impose souvent un modèle unique - et de facto rigide où l’humain est asservis à la machine). Il faut dire que l’informatique spécialisée (logiciel dédié à tel ou tel domaine) apporte forcément une barrière à certaines personnes, c’est vrai.

Cependant le modèle présenté fait une confiance absolue à l’individu, ne peut-on pas faire confiance à un « groupe » d’individus qui a plus de connaissances / facilités dans tel ou tel domaine pour faciliter certaines tâches de l’épicerie ? (E.g. compta, stock ou « passage en caisse »)

Y-a-t-il des épiceries libres (celles référencées sur cooplib.fr) par ici sur le forum ?

En tout cas la diversité d’initiatives qui cherchent à proposer des alternatives plus au moins libres à la grande distribution me réjouit :blush:

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Salut Paul,

Je partage complètement ton enthousiasme par rapport à toutes ces initiatives d’alternative alimentaires ! Elles vont à l’encontre du système et essayent de trouver un « compromis » entre « idéaux » et « efficacité » chacune à leur manière.

  • Les épiceries autogérées étant évidement plus fidèles à des principes radicaux.
  • Les supermarchés cooperatifs étant factuellement plus efficaces et pragmatiques.

Je trouve ça bien que les deux modèles cohabitent et tachent d’être complémentaires. Si nous voulons garder un espoir de faire bouger les lignes ou de « retourner la table » -comme ça semble être le projet des auteurs de l’article- il me semble dérisoire de nous taper dessus car nous ne représentons globalement rien.

Je trouve que l’article en question est pétri de mauvaise foi et qu’il a bien sa place dans Frustration magasine.

  • « votre parcours dans un supermarché coop ressemblera à celui dans un supermarché traditionnel. » Non.
  • « Les produits vendus à la Louve sont plus chers qu’ailleurs. » Non.
  • « Les salariés des supermarchés coop sont les seuls à « trier profit » du bénévolat des membres » ??? pffff. C’est très mal connaitre les salaires, les condition de travail et la nature du travail des salarié.e.s de supermarchés coop… De belles contre-vérités pour faire rentrer la réalité dans leur grille de lecture.
  • « les salariés ont tendance à se comporter collectivement comme un bourgeois propriétaire d’un “moyen de production” et le recrutement est souvent affinitaire : un bourgeois à plusieurs. » Lire ça de la plume de pseudo anarchistes, c’est la honte… la CNT doit se retourner dans sa tombe.

Le épiceries autogérées ont toutes les qualités et les autres alternatives ne sont que les suppôts du capital. L’article vise à convaincre les lecteurs de se détourner de tout ce qui ne serait pas une pure épicerie autogérée au risque de perdre son âme… quel mépris pour les centaines ou milliers de personnes qui participent, comme des moutons, dans ces autres alternatives. C’est ce que j’appelle de la propagande et c’est vraiment dommage car, comme le dit Paul, certaines tendances « entrepreunariales», « institutionelles » ou « mercantiles » des supermarchés coop, évoqués dans l’article ont du sens. Tourné autrement, les arguments auraient pu nous faire réfléchir sur nos pratiques. A la place de quoi, la lecture de l’article me donne envie de faire preuve, à mon tour de mauvaise foi :

Les épiceries autogérées :

  • Des magasins, sans salariés, sans patrons, sans informatique, sans caisses, sans produits, sans horaires d’ouverture, sans rien du tout, à part des principes et des certitudes
  • Des structures où les prises de décisions sont opaques, prises toujours par une poignée de membres indéboulonables, et où personne ne doit rendre de compte.
  • Des structures ou ceux qui ont les moyens socioculturels de faire les choses peuvent les faire librement.
  • Des structures où c’est tout le temps les memes qui font la compta, le ménage et les taches asministratives.
  • Des structures où « personne ne te surveille » mais tu dois quand même remplir une feuille de caisse, où le comptable peut bloquer ta commande s’il n’y a plus de sous, où le president à signé le bail du local et ne sera peut etre pas d’accord pour ceci ou cela, où une personne se sent légitime pour parler, écrire au nom de tous les autres sans leur demander leur avis. Quelle différence avec une structure classique si ce n’est que les responsabilités et les devoirs de chacun ne sont pas officiels ? Sous couvert d’égalité et d’horizontalité, c’est la recette idéale pour que les individus dotés de suffisament de capital socio-culturels confisquent le pouvoir…

Désolé si ces quelques lignes blessent des militants des épiceries autogérées. C’était vraiment de la mauvaise foi de ma part ! C’est à peu prés ce qu’on peut ressentir, en tant que militant dans un supermarché coop, à la lecture de ce type d’articles ou des ouvrages de Jean-Claude Richard. J’essayerais de ne pas recommencer, promis !

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Je partage entièrement les remarques d’Antonin. Cet article est écrit par des frustrés qui se targuent de détenir la vérité politique, c’est assez pitoyable, et comme le dit très bien Antonin bourré de contre-vérités pour faire rentrer la réalité dans leur grille de lecture. C’est en effet très dommage de se tirer dans les pattes entre personnes qui essayent d’améliorer les choses et de faire un peu évoluer les angles de vues, malheureusement c’est un travers bien connu : tes pires ennemis sont ceux qui te semblent les plus proches. C’est tellement pathétique que c’en est presque comique, cette agressivité est ridicule, au fond je les plains d’être si aigris. Mais bon, quand on n’a pas la fibre créatrice, on dénigre (et on place toujours quelque-part le mot « bourgeois » histoire de catégoriser en essayant d’être méprisant et en se rendant crédible pour la petite poignée de fidèles de la secte), c’est tellement facile et auto-rassurant, et tellement plus facile de catégoriser pour écraser que de chercher le fond de ce que font et pensent des personnes et de chercher le dialogue. Quoi qu’il en soit ce ne sont pas des anarchistes qui ont pondu cet étron nauséabond, il n’y a rien que du fiel là-dedans, je suppose que cet article a été écrit par des gens de droite pour nous descendre ("Regardez même les anarchiste les critiquent ! "), tant de sarcasmes et de mauvaise foi dans le même article c’est tellement dans leurs manières de procéder ! Bref je vais vite-fait vomir un peu et passer à autre-chose.

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Haha, merci Antonin pour ta réponse sincère. D’ailleurs en lisant l’article je pensais à toi en me disant que ça te ferait bouillir :grin:

En tout cas je suis bien d’accord avec toi que la forme est malvenu et que chercher à mettre en opposition / contradiction des modèles alternatifs n’apporte guère, si ce n’est plus de frustrations pour celles et ceux qui essayent de faire bouger des lignes comme ils peuvent.

C’est dommage car dans le fond je pense qu’il pourrait y avoir de bons arguments pour améliorer les deux formes que sont les supermarchés coopératifs et les épiceries autogérées. Dans les deux sens, chacun pour apprendre de l’autre !

Donc je te rejoins bien dans le fond de ta réponse.

Toutes les formes de luttes sont différentes, mais elles sont toutes nécessaires et complémentaires.

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Je me dis que l’avantage d’un modèle coopératif c’est que les personnes sont moins frustrées apparemment :joy: c’est très caricatural comme vision et montre une méconnaissance de la vie réelle des coopératives. En résumé, des données ramassées pour servir une idéologie libertaire sans véritable analyse. Ce qui n’enlève rien aux défis à relever par les modèles de coopératives pour impliquer l’ensemble de ses membres dans la décision.

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Je n’ai pas (encore) eu le courage lire tout l’article. Il faut dire que j’ai du mal avec la lecture en ligne. Mais apparemment ce qui est critiquable pour les supermarchés coopératifs (l’utilisation de l’informatique) ne l’est pas pour l’information alternative :-))
Ceci dit, je n’adhère pas à l’appellation de « supermarché coopératif », je préfère employer le terme de « magasin coopératif » et je pense être susceptible d’approuver certaines critique formulées dans cet article, tout en trouvant que d’autres sont totalement de mauvaise foi. Notamment sur la question de l’absence de marge. Comment sont financés les frais de fonctionnement ? par le paiement d’adhésions je présume et l’on peut donc dire que ces adhésions sont des marges déguisées.

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Bonjour,

je suis l’une des personnes qui a pondu cet « étron nauséabond ». :slight_smile: Je vais tâcher de dialoguer, sans trop de mauvaise foi :wink:


Tout d’abord, annonçons d’emblée que notre écrit sur Frustration souhaite s’inscrire dans la ligne éditoriale de celui-ci, d’où l’usage du terme « bourgeois » et de la posture de « frustré » :rage:. Elle est ici assumée et n’est pas à prendre totalement au premier degré, c’est un parti pris de rédaction. Cela se veut un peu polémique, donc assumant une position de challenger (que le modèle autogéré a par rapport au modèle supermarché coop « sur-médiatisé »), pour que même à gauche nous poussions plus loin et nous interpellons sur les limites de nos projets fétiches, tout en soumettant ainsi le notre à la critique.

Nous ne sommes pas par ailleurs des « militants de l’autogestion » d’entrée de jeu. Nous sommes d’abord des individus qui ont essayé différents modèles et qui s’attachent à faire connaître celui qui leur semble le plus intéressant.

Nous n’avons pas attaqué des personnes (à l’exception des « entrepreneurs » :imp:) mais des modèles dans les limites qu’ils ont, à fortiori quand ces points sont sujets de la propagande des ses promoteurs (car nous n’avons pas l’exclusivité de la pratique :stuck_out_tongue_winking_eye:). Je regrette Charles ton agressivité envers nous et le fait que tu tombes dans tout ce que tu nous reproches et pire encore ! (et ce qui est interdit sur ce forum :no_entry_sign:).


Maintenant les politesses échangées :), laissons de côté nos formes malheureuses et si vous le voulez bien saisissons l’occasion de discuter plus avant de tout ça. Il serait dommage pour nous que vous en restiez à : « tournés autrement, les arguments auraient pu nous faire réfléchir sur nos pratiques. ». Nous ne voudrions pas que notre interpellation qui ne rentre pas dans les codes attendus vous empêche d’y réfléchir et d’avoir vos retours sur nos propres pratiques et leurs limites. D’où mon intervention ici pour alimenter la discussion et sortir du format figé de notre article.

Histoire d’amorcer, je liste ici sommairement les critiques principales que nous avons rédigé et que vous n’avez pas encore reprises pour que vous me pointiez clairement celles qui tapent justes :+1: et celles qui tombent à côté :-1:. Nous parlons ici du modèle, tel qui nous semble majoritairement mis en œuvre, tel qu’il est souvent promu et pensé par ses promoteurs ou fondateurs. Toutes les initiatives ne cochent pas toutes les cases, évidemment. Dans l’ordre d’apparition :

  1. reprise des promesses de la grande distribution :shopping_cart:
  2. heures obligatoires notamment pour créer un attachement des bénévoles au supermarché :chains:
  3. incapacité théorique et pratique de l’AG à être un moment démocratique :speaking_head:
  4. en conséquence faillite de l’aspect démocratique et de coopération aux décisions du plus grand nombre car absence d’instances la permettant :mute:
  5. « nous n’étions pas satisfaits de l’offre alimentaire » : l’offre est équivalente à celle de nombre de supermarchés, des produits locaux (par exemple à la louve) qui viennent de grossistes et tout ça rarement au niveau d’une biocoop par exemple (qui est aussi un modèle coopératif à l’origine) .
  6. Les prix sont relativement élevés : 20 % de marge en moyenne. :chart_with_upwards_trend:
  7. investissement militant et financier énorme pour le lancement et le fonctionnement. :scream: :weary: :yawning_face:
  8. autogestion-washing : faire passer l’autonomie dans les tâches à effectuer pour de l’autogestion et s’en réclamer.

Je vais aussi essayer d’étayer notre point de vue sur les éléments où Antonin pointe notre mauvaise foi, pour voir où l’on ne s’entend plus.

a. « Les supermarchés coopératifs étant factuellement plus efficaces et pragmatiques. » Nous pensons tout l’inverse. Si nous faisons un ratio « temps de lancement, temps humain nécessaire à son fonctionnement, fonds pour son lancement et son fonctionnement / nombre de personnes touchées, prix des produits, obligations» alors le modèle autogéré me semble bien plus efficace et pragmatique. Le seul aspect sur lequel l’emporte indubitablement le supermarché est le nombre de personnes au même endroit. (Et nous pensons que ce n’est pas une panacée, c’est d’ailleurs la cause de l’impossibilité de faire participer le plus grand nombre aux décisions). À notre sens le modèle autogéré produit l’essentiel pour infiniment moins d’efforts.

b. « votre parcours dans un supermarché coop ressemblera à celui dans un supermarché traditionnel » : Antonin tu poses ici un « non » catégorique. Peux-tu signaler les différences majeures que tu vois ? Pour illustrer notre point de vue, par exemple, voici en gros le parcours du consommateur à la Louve : contrôle à l’entrée (différence d’avec le supermarché classique, mais pas en mieux !:D), on fait ses courses, on ne pèse pas soi même les produits (quelqu’un poireaute là en attendant le chaland pour le faire à votre place car trop de gruge), vous passez à la caisse, quelqu’un y bipe vos produits, vous sortez la CB, merci au revoir. Tout cela sous l’oeil éventuel d’une caméra. On verra moins de pubs dans le local, mais néanmoins il y a du « facing »,des promos, des nouveautés, etc. Et nous retrouverons des barillas, des petits lus, … Bref, où vois-tu toi la différence si fondamentale qui te fais poser ce « non » sans détours ?

c. « Les produits vendus à la Louve sont plus chers qu’ailleurs ». Nous n’avons pas écrit ceci !:slight_smile: Nous avons écrit « à des prix toujours relativement élevés (application d’un taux de 20% de marge). » Ceci est la marge que nous connaissons dans la plupart des supermarchés coops, non ? Sachant que dans un supermarché classique, c’est 30 % en moyenne.

d. « Les salariés des supermarchés coop sont les seuls à « tirer profit » du bénévolat des membres ». Nous disons : « La valeur captée sur le travail bénévole est redistribuée essentiellement à quelques salariés. ». Mais ne chipotons pas, c’est en gros le message que l’on fait passer. Il n’est pas question ici de dire que les salariés roulent sur l’or, mais que contrairement à une pensée d’un commun ou même d’une simple coopérative un peu plus classique où tous les ouvriers se partagent à égalité les bénéfices de leur travail, ici il y a deux catégories de membres qui ne tirent pas les mêmes bénéfices. Et de surcroit il y a un fossé entre ce que gagnent les salariés et ce que gagnent les autres membres et que cela pèse sur les finances et donc sur la marge de manière sensible. D’ailleurs pour la plupart, les bénéfices qu’ils tirent des prix « moins chers » si ils ne font pas des grosses courses dans le supermarché et sur des produits où le prix est plus avantageux (le bio par exemple), ne valent pas les deux ou trois heures de travail obligatoires, si elles étaient payées à l’heure à un salaire médian.

e. « Les épiceries autogérées ont toutes les qualités et les autres alternatives ne sont que les suppôts du capital. » Notre article ne cherche pas à dire ceci. Il souhaite faire le bilan avec le recul de plusieurs années d’existence du modèle du supermarché coopératif en France et ce bilan nous semble peu flatteur, malgré les intentions et les bonnes volontés. Par ailleurs le modèle des épiceries autogérées existe et nous semble plus prometteur dans les expériences existantes, même si elles ont des limites. L’article ne vise donc pas à détourner pour ne pas « perdre son âme » et ne pas être un suppôt du capitalisme mais détourner d’un modèle qui a porté ses leçons et qui n’est plus guère porteur, qui a été une étape mais qui ne nous semble plus être une perspective future et qui ne préfigure pas une société à venir non-capitaliste. Ce bilan viendra en son temps pour les épiceries autogérées quand à nouveau de nouvelles formes apparaitront, plus porteuses.


Enfin, je prends au sérieux les critiques qui sont faites sur le modèle autogéré et ses limites et dangers et vais tenter de les adresser, histoire d’alimenter les choses dans les deux sens ! Et puis, je ne suis en aucun cas blessé, ces critiques nous ne nous les faisons en permanence. Loin de l’image de dévot à la cause « autogestion » qui se contenteraient de ressasser la doctrine, nous passons en réalité notre temps à questionner le modèle qui a notre préférence (et il l’a uniquement car c’est celui qui résiste le mieux à notre critique) et avons déjà maintes fois évoqué ces difficultés. Bref, quelques éléments de réponses :slight_smile:

I. L’article dans Frustration est limité à une certaine taille et nous ne pouvons pas y faire passer toutes les facettes des projets. Il faut choisir des angles et des messages. En tout cas, que quelques gus fassent la propagande de ce modèle ne dit rien de la manière dont le vivent les membres de ces épiceries. Les doutes et tâtonnements sont constants, la menace de repli suite à des dysfonctionnements trop promptes et tout ça ne tient que par la volonté de se faire confiance. C’est un pari, une sorte de prophétie autoréalisatrice, et donc très fragile, les incertitudes en embuscade. La seule certitude : la simplicité et la confiance font économiser aux militants et bénévoles bien des peines ! Mais pas toutes :wink:

II. Tout le monde doit rendre des comptes ! Au contraire de ce qui est dit : la responsabilité va de paire avec la confiance et est centrale pour que ce type de bien commun fonctionne. Donc si quelqu’un utilise la liberté de décision qu’il a pour faire n’importe quoi : il lui en sera tenu rigueur. La confiance est à priori, elle n’immunise pas contre les réactions des autres.

III. Pour ce qui est des membres indéboulonnables, c’est un sujet ultra important dans toute initiative autogérée, ce qu’appelle Jo Freeman « la tyrannie de l’absence de structure ». Rien de nouveau ici. Ce groupe de membre est appelé « élite informelle ». C’est peut être l’enjeu le plus fort des épiceries autogéré : créer une atmosphère et culture de vigilance à ce sujet. Allié avec une culture de « vous voulez mettre en place quelque chose : faite le, vous êtes 100 % légitimes ». Ce qui permet à tout à chacun de prendre des décisions même si cela ne va pas à une quelconque élite informelle. Dans les épiceries autogérées si un petit groupe a décidé dans son coin que tel produit est interdit mais que la culture est bien posée alors n’importe quel membre pourra néanmoins le commander et le mettre en rayon. Chose impossible dans tous les autres modèles. Dans les supermarchés coopératifs les indéboulonnables sont les salariés et les membres des bureaux contre lesquels il faudrait sacrément se mobiliser pour arriver à en changer. Donc oui ce n’est pas parfait, il y a un risque, mais le poids d’une élite (formelle ou informelle) et la difficulté de s’en débarrasser ou faire sans/contre est bien plus facilité dans les épiceries autogérées que dans les autres modèles. Reste que c’est LE point de vigilance.

IV. Concernant la confiscation du système par ceux ayant plus de moyens sociaux-culturels : en effet celles et ceux qui ont les moyens socioculturels vont pouvoir agir plus librement. Mais il me semble que cela est pire dans les autres modèles et qu’il faut maitriser encore plus de codes pour pouvoir prendre des décisions et des initiatives pour le collectif. Sans parler de la maitrise de l’informatique et de la complexité que représente la gestion d’un supermarché coopératif. Sans parler du fait d’y être salarié !
Néanmoins c’est un sujet dont nous sommes conscients et nous expérimentons ! Par exemple il existe une épicerie autogérée dans un quartier des hauts de france où on ne peut pas dire que les membres soient privilégiés. Et pourtant : ça tourne. Néanmoins il a semblé opportun que le milieu soit homogène et donc l’épicerie réservé aux habitants du quartier. Ce n’est donc pas tout à fait parfait mais cette solution de compartimenter les épicerie par milieu socioculturel semble pallier le problème. Et il fait sens car chaque épicerie peut répondre aux aspirations propres à chaque groupe et que chaque épicerie ne touchant que quelques dizaines / centaines de membres elles sont assez locales.

V. La plupart du temps les tâches admins sont des postes tournants. De surcroit ils ne représentent quasiment pas de travail, surtout en comparaison des supermarchés coopératifs : certaines épiceries autogérées ne font même pas de compta ! Notons, pour le ménage par exemple, qu’une petite épicerie, comme un supermarché coopératif, ne peut transformer toutes les déterminations sociales quand les personnes franchissent le seuil. Ils participent nous l’espérons à en faire l’affaire de toustes mais c’est un travail de longue haleine.

VI. La feuille de caisse est un outil d’auto-contrôle, d’aide à être rigoureux. Le « comptable », n’en est pas un, il est un automate humain qui empile des demandes et doit dire si il y a de l’argent ou non pour la commande et la mettre en file d’attente sinon. Si il fait autre chose que ça et retarde pour rien une commande, en fait passer une avant l’autre, il est démis de sa fonction ! C’est une règle de départ : la liberté et l’autogestion ne veut pas dire zéro règle, au contraire il faut quelques (pas beaucoup) principes pour garantir l’autogestion et la confiance.

VII. Il n’y a pas de président. Il y a en revanche quelqu’un qui a signé le bail: l’association (qui n’a pas de président). Bref, personne n’a son mot à dire plus (ou moins) qu’un autre sur ce sujet. Si cela pose problème : on met quelqu’un d’autre à la place là où ça coince. Le cas le plus délicat c’est celui des fondateurs (rôle informel) qui mettraient le local à disposition : le cumul des casquettes tend à donner trop d’influence. C’est une configuration à éviter au maximum et un projet qui se lance avec celle-ci va surement passer par de nombreuses difficultés et faire des entorses non négligeables au concept autogéré.

VIII. Concernant la marge déguisée en adhésion. En effet il faut bien payer les charges. Notons que beaucoup de groupes, étant donné que les locaux souhaités sont relativement petits, se voient mettre des locaux à disposition par des particuliers ou des collectivités et qu’ils n’ont pas cette charge là. Pour les autres il y a soit des adhésions selon les revenus soit à prix libre. Les adhésions les plus élevées rencontrées sont à 40 euros à l’année, et même dans ce cas cela est loin de représenter 20 % du montant des courses ! De surcroit, la marge sur les produits, à l’avantage de peser sur les personnes qui consomment le plus mais le désavantage, comme la TVA, d’être injuste dans le fait qu’elle s’applique de la même manière aux aisés qu’aux pauvres.
IX. Concernant l’informatique : hélas, les solutions proposées sont ultra « autoritaires ». Autant un framapad permet de se faire confiance permettant un retour en arrière après des erreurs ou des sabotages. Et il ne met pas de rôles en place. Tout l’inverse des outils de gestion qui créent des rôles « sensibles », qui peuvent tout casser et ne pensent jamais les moyens de revenir en arrière et de faire de la veille de ce qui a été fait. Le logiciel libre pense encore trop peu les relations de pouvoir qu’il maintient. Quoiqu’il en soi comme tu le dis Paul, des logiciels de gestion resteront toujours trop complexes et donc un frein pour tout ceux qui ne touchent par leur bille, sans parler des 17 % en situation d’illectronisme en france. Et surtout les épiceries autogérées montrent que l’on peut fonctionner très bien sans, plus simplement, plus facilement et en prenant moins de temps à ses membres. Ce qui rend par exemple intenable la position des épiceries participatives style monepi qui sortent l’artillerie lourde pour écraser un moustique.

Ça fait un gros pavé, mais j’espère de quoi rebondir dans les deux sens et pour tous les gouts :slight_smile:

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Bonjour frustreautogestion,

Je constate agréablement que bien que restant anonyme comme le sont les auteur·rices du texte en question, ce qui me semble toujours étrange, comme si il y avait une crainte à assumer ouvertement ses positions d’homme libre, et qui participe à susciter chez moi la réaction vive que j’ai eue à la lecture de ce texte, que le ton ici est plus agréable et moins agressif, merci. Je vais lire et relire tranquillement et répondrai sans doute plus tard à plusieurs points, pour le moment juste sur : « L’article dans Frustration est limité à une certaine taille et nous ne pouvons pas y faire passer toutes les facettes des projets. Il faut choisir des angles et des messages. » Précisément quand on choisit d’écrire un article et à fortiori à charge, se donner l’excuse de la place qui manquerait pour « y faire passer toutes les facettes des projets » impliquerait, à mon sens, que précisément l’on ne choisisse pas un angle à charge ni des formules catégoriques et péremptoires sur le ton d’un juge suprême, pour moi ça s’appelle simplement de la manipulation, ou pour le moins un exercice d’auto-assurance ou d’auto-satisfaction d’un groupe en circuit fermé.
Quoi qu’il en soit merci pour votre longue et consistante réponse !
À bientôt donc, ici, cher anonyme.

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Désolé, je vous balance encore un énorme pavé. Mais en tant que militant et salarié de supermarché coopératif, je n’ai pas réussi à faire court…

Je pense que l’article de frustration magazine pose plusieurs problèmes :
1/Sur le plan de la méthode :
Les auteurs ne posent pas le contexte de leur article.
D’où parlent t’ils ? Sont t’ils des journalistes ? des militants des épiceries autogérées? Les deux ?
Quelles sont leurs sources d’informations ? Leurs expériences perso à La Louve ? dans une épicerie autogérée ? Laquelle ? Les livres de Jean Claude Richard ?
Le fait que le parti pris éditorial de Frustration Magasine, d’être « provoc », « satyrique » ou « de ne pas devoir être pris au premier degré » ne soit pas explicité dans l’article mais bien au contraire, que l’article tende à énoncer des vérités sur des modèles (en se basant sur quoi ? une expérience perso dans deux endroits ?) est aussi problématique. J’adore le journalisme satyrique mais il faut prévenir quoi sinon on vous prend au pied de la lettre !
Bref tout cela rend la critique difficile à accepter pour les militants de supermarchés coop. On ressort de la lecture avec un gros sentiment de « deux poids, deux mesures » voire de travail de propagande déguisée en journalisme.

Enfin, l’article parle de « modèles » mais ne se base que sur une expérience perso dans deux structures : La Louve et une épicerie autogérée. C’est problématique car les pratiques de La Louve qui sont critiquées dans l’article ne touchent pas forcément à des caractéristiques du « Modèle » mais aussi à des spécificités de chez eux. Je pense à la gamme de produits locaux, au rôle de l’équipe salariée, à l’approche « démocratique » basée sur les AG, aux caméras de surveillance… Nous partageons les grandes lignes du modèle avec La Louve mais chaque supermarché a adapté le modèle à son collectif et il ne faut pas rendre le « modèle » tributaire de tous ces choix. Il me semble que c’est encore plus criant parmi les épiceries autogérées. Les pratiques sont encore plus dispersées et diverses que ne le sont les supermarchés coops (montant des adhésions, ajout de marges, recours à l’informatique, à de la subvention, à des salariés, à des structures associatives). Bref, si le fond du propos est intéressant (comparer deux approches différentes qui s’attaquent au même problème de la distribution de produits de grande consommation), la méthode est vraiment problématique et l’enquête pas du tout assez poussée pour permettre de faire un comparatif de modèle.

Je reprends maitenant les questions posées par Frustreautogestion :

Nous ne cherchons pas à reprendre les promesses de la grande distribution mais à nous réapproprier « l’institution du supermarché ». C’est une démarche pragmatique : tout le monde va au supermarché, c’est un noeud essentiel de notre société, on ne peut pas le laisser aux multinationales. On récupère les aspects pratiques (horaires d’ouvertures, gamme large qui permet de faire toutes ses courses en une fois), on en écarte d’autres (but lucratif, négo hardcore avec les producteurs, conditions de travail et de rémunération injuste, etc). C’est notre projet depuis la première minute : créer un supermarché, c’est marqué dans le titre et on ne s’en est jamais caché ! Certes, le supermarché n’est pas l’idéal type du commerce humain dont on peut rêver, mais nous ne sommes pas là pour nous faire plaisir.
Nous sommes prêt.e.s à faire quelques concessions sur nos fantasmes politiques pour avancer.
L’objectif est de remettre l’usage le plus courant des français pour consommer (aller au supermarché) et de le remettre au service de l’intérêt général. Le supermarché est une machine à cash et en récupérant ça on peut faire de grandes choses pour le quartier et les filières :
En nous associant, nombreux dans un quartier et en gérant bien notre outil commun, nous pouvons dégager des externalités positives pour notre environnement. A La Cagette, nous avons contribué à l’installation d’un gros composteur de quartier, nous consacrons du temps et de l’argent à l’animation du réseau de supermarchés coopératifs (par exemple ce forum que les épiceries autogérées ont l’air d’apprécier), au développement d’outils informatiques open sources, à la mise en place d’une expérimentation de sécurité sociale alimentaire à montpellier. Nous faisons vivre de nombreux producteurs du coin, 7 salariés, nous animons des fêtes de quartier, etc. Et ce n’est que le début puisque nous venons de terminer de payer nos investissements de départ (parts sociales et dettes bancaires). Cette année nous allons certainement proposer aux producteurs avec qui nous travaillons en direct de leur faire des avances de trésorerie pour plusieurs dizaines de milliers d’euros (en cours de mise en œuvre). Et pourtant nous n’existons que depuis quelques années. Cela ouvre des perspectives hyper positives et qui ne me semblent pas atteignables par le modèle des épiceries autogérées qui peinent déjà à remplir leurs rayons, à ouvrir à des horaires accessibles pour toutes les personnes dans la vie active, à renouveler les personnes fondatrices et qui n’ont pas beaucoup de moyens à consacrer à autre chose qu’à leurs épiceries.
Imaginez maintenant s’il y avait un supermarché coop dans chaque quartier de grande villes… c’est peut être illusoire mais c’est ce à quoi nous rêvons et travaillons. On échouera certainement, l’avenir le dira !

C’est vraiment un détournement malhonnête du propos de la personne de PSFC qui dit ça dans le documentaire. Le but recherché n’est pas l’attachement des membres mais c’est un constat philosophique à propos de la condition humaine : lorsqu’on s’investit dans quelque chose et qu’on y consacre du temps, on s’y attache. Il me semble que c’est pareil dans toutes les activités humaines, épiceries autogérées comprises.

Sur ce point nous divergeons pas mal de La Louve et de La PSFC. Le discours de La Cagette est : l’AG est le plus pauvre des moments démocratiques. C’est bien qu’il y en ait une pour faire un point annuel et éventuellement pour prendre des décisions trés importantes. Mais ce n’est pas le lieu réel de la prise de décision et de la démocratie à La Cagette. Les décisions se prennent dans la gestion quotidienne, c’est pourquoi nous ouvrons la gestion aux membres qui souhaitent s’y impliquer. Il y a tout un système de comités qui gèrent la coopérative et qui sont composés de ceux qui prennent les responsabilités de gestion quotidienne des sociétaires bénévoles et salarié.e.s. Nous tâchons d’accompagner les volontaires à rentrer dans le process, à les former à la culture de travail commune. Nous y consacrons beaucoup de temps et d’énergie, ce n’est pas parfait, mais ça marche hyper bien. C’est ce que nous appelons « la gestion ouverte » et qui est explicité dans notre manuel des membres et sur notre site web.
Nous assumons de nous attaquer à des sujets complexes, nous mettons en place une organisation complexe pour les résoudre, outilisons des outils complexes, qui impliquent des asymétries de savoir, de pouvoir entre nos membres. En conséquence, nous essayons de nous organiser pour rendre les structures transparentes et accessibles à ceux qui le souhaitent. Ça tombe plutôt pas mal puisque la plupart des gens ne souhaitent pas consacrer plus de temps à gérer un magasin, ni à y donner leur avis trop fréquemment. Nos membres cherchent pour la plupart un système en lequel ils peuvent avoir confiance. En revanche nous tâchons d’aider ceux qui veulent s’impliquer. L’argumentaire autogestionaire que vous mobilisez dans les épiceries autogérées me semble utilisé de manière très dogmatique : « Tout est simple, il n’y a pas besoin d’organisation, il ne faut pas déléguer, il ne faut pas de salarié.e.s, il ne faut pas de spécialistes ». A ce compte, pourquoi ne pas produire vous mêmes vos légumes, votre eau, votre électricité ? Où s’arrête l’autogestion selon vous ? Je peux tout à fait souscrire à une philosophie matérialiste ou autogestionnaire qui dit que chacun doit viser l’autonomie et la responsabilité afin de nous organiser collectivement mais tout le problème est dans la mise en oeuvre.

Carrément, la faillite. N’ayons pas peur des mots.
D’abord, comme expliqué plus haut, je pense qu’à La Cagette nous avons mis en place des instances démocratiques hyper efficaces qui ne sont pas basé principalement sur les AG.
Ensuite je me permets de vous faire remarquer que si les instances de La Louve ne sont pas parfaites, au moins il y a des instances. C’est particulièrement mal venu de critiquer les instances de d’autres structures quand on n’en a soi même pas mis en place du tout. En retour je vous demande donc qu’en est t’il de l’abandon pur et simple de l’objectif démocratique dans les épiceries autogérées ? Dans un collectif humain, il y a nécessairement des règles, des instances de pouvoir, des rôles, mais le risque est qu’elles soient informelles. Il ne suffit pas de décréter que ça n’existe pas pour que ça n’existe pas. Je trouve que vous mettez très rapidement la question sous le tapis. ça me rend très suspicieux sur votre démarche et vos propos.

A La Cagette, pendant l’année écoulée, si nous excluons les grossistes/intemédiaires, nous avons acheté des marchandises auprès de 84 producteurs en direct pour plus de 700 000€ HT. Je ne serais pas surpris si ce montant d’achats en direct était supérieur à celui cumulé de toutes les épiceries autogérées de france. J’exagère peut être un peu mais cela reste à prouver (je ne suis pas journaliste donc j’ai le droit à la mauvaise foi !).
Il me semble en tout cas que c’est sans commune mesure avec ce que peuvent faire les épiceries autogérées. De plus je trouve votre critique encore une fois particulièrement malhonnête puisque vous achetez aussi beaucoup auprès de grossistes.

Premier problème, il semblerait que vous fassiez un amalgame entre prix de vente et la marge prélevé ce qui n’est pas correct. Par exemple : Dionycoop pourrait acheter un produit à 1€, le revendre à 1,2€ (si je rajoute un TVA à 20%). La Cagette pourrait acheter le même produit à 80cts, ajouter une marge de 23% et le revendre à 1,15€. Vous n’êtes pas sans savoir que dans le commerce, le volume permet d’obtenir des prix. Votre assertion selon laquelle les produits des épiceries autogérées sont moins chers que ceux des supermarchés coopératifs mériterait d’être étudié sérieusement (par une enquête journalistique sérieuse par exemple). Celle-ci vous donnerait peut être raison sur les prix mais ça reste à prouver.
Deuxième problème, vous dites que les prix de La Louve sont « relativement élevés » à cause de leurs 20% de marge. Mais vous dites en suite que la grande distribution prends en moyenne 30% de marge ?

La conséquence de notre modèle est effectivement que nous avons besoin de solliciter l’épargne de nos membres de manière conséquente pour lancer l’activité. Le truc magique c’est que ça marche, et sans faire appel à des mécènes. Avec l’argent de la classe moyenne qui dort sur des livrets A.
Chez nous, les premiers militants ont mis la main à la poche et depuis que l’activité tourne nous n’exigeons plus que 10€ de prise de parts sociales une fois pour toute la vie. 10€ remboursables en cas de départ. C’est donc infiniment moins que l’adhésion annuelle à une épicerie autogérée. Mais est-ce faisable dans des quartiers plus précaires ? C’est une bonne question. Trouvera t-on des alternatives de financement ?

Je vous renvoie le compliment. Que faites vous de plus ? N’est ce pas ça l’autogestion : être autonome dans ses tâches ?

J’essayerais de répondre à la suite du message dans les prochains jours si j’ai le temps…

Bonne lecture !

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Bonjour
débat intéressant, même si un peu enflammé :wink:
les réponses de « anonyme » me semblent pertinentes. Je suis membre d’un « supermarché coop » l’éléfàn à Grenoble depuis pas mal d’années - il y a 3 ans nous avons eu un grand débat sur le « modèle » qui s’est conclu en AG par le choix « parkslope » plutôt que autogestion, l’application plus stricte de ce modèle « historique » n’a pas été simple et fait partir pas mal de membres.
Depuis quelques mois nous sommes quelques un.e.s à envisager la création d’un magasin autogéré ceci plutôt en complémentarité qu’en concurrence. Depuis ces quelques mois de réflexions et de visites/rencontres avec d’autres magasins (coop ou autogérés) il me(nous ?) semble assez clair que le modèle autogéré déborde bien plus largement la seule question alimentaire et crée des liens et des échanges incomparables entre membres! le magasin coop a peut-être pour avantage une « offre » plus large et stable. La question finalement est de savoir si on cherche avant tout une alternative « pratique » à son circuit alimentaire ou une priorité sur l’expérimentation sociale et politique.
Bref dans notre cas on va essayer de faire des liens entre les deux par ex en mutualisant certaines commandes, cherchant plutôt l’alterno-diversité :wink:
on vous racontera, on espère démarrer d’ici fin d’année!

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Salut Vincent ! Pour moi la question est : souhaitons-nous travailler à améliorer la question alimentaire et participer à essayer de réduire les inégalités dans ce domaine, ou plutôt créer un petit groupe qui fonctionne en autarcie pour son confort personnel et ne fait pas avancer la cause générale. Je ne porte pas ici de jugement de valeur sur ce que choisissent les un·e·s et les autres pour leur vie, chacun·e est légitime dans ses choix personnels dès lors qu’ils ne nuisent pas à autrui, mais pour moi les directions se situent autour de ces axes. Cela dit une question : en quoi l’Elefan ne serait pas, selon certains, autogéré ? Quelle est ta définition de l’autogestion ? (c’est juste pour que l’on se comprenne bien)

Salut Charles
merci de ta réponse et on partage les objectifs et valeurs.
L’éléfàn n’est pas autogéré pour plusieurs raisons, notamment:

  • il y a une répartition des décisions entre salarié.e.s et membres qui ont des prérogatives spécifiques pour chaque parties
  • les créneaux ou services sont « obligatoires »
  • les prises de décisions se font par des instances
  • etc
    il y a beaucoup de choses qui définissent l’autogestion, tu peux t’y référer, je ne vais pas réinventer la définition.
    Un fonctionnement « démocratique » ou « holocratique » ou … est différent d’un fonctionnement autogestionnaire, il n’y a pas de jugement de valeurs c’est un constat. Chaque mode a ses avantages et ses inconvénients, c’est justement pour ça qu’on veut tenter un autre modèle pour comparer.
    A mon avis les limites actuelles du modèle « coopératif » tel que nous le pratiquons à l’éléfàn est une relative lourdeur dans le fonctionnement et les prises de décisions qui conduisent à une perte de renouvellement des membres (et même de maintien…) et donc à une fragilité économique. Nous espérons qu’avec un modèle plus léger nous trouvions plus de dynamique, de motivations, de joies etc :wink:

Salut,

Il me semble que tout se joue dans les détails et que la frontière entre ce qui est de l’autogestion ou pas, n’est pas si nette. En tout cas on ne peut pas la calquer si simplement sur un modèle « d’épicerie autogérée » ou sur un modèle de « supermarché coopératif ».
Il y a une palette infinie de sens au terme « autogestion » selon qu’on parle d’autogestion dans un collectif de petite taille, dans un syndicat, si on parle d’intervention de l’état, de délégation de pouvoir, etc.
A mon sens, l’autogestion est un idéal ou une direction mais qui ne peut pas être pris au pied de la lettre parce que, prise de manière littérale, l’autogestion est idiote : personne n’est autonome. Aucun collectif ne se suffit à lui même. Aucun collectif ne se passe de délégation, de rôle ou de règles sauf si c’est un collectif de moins de 10 personnes.
Lorsqu’un collectif conséquent en nombre déclare qu’il se passe de règles, d’instances, de délégation je me méfie et j’ai l’a priori qu’il se rapproche plus d’une cleptocratie que d’un collectif autogéré (Ceux qui disent qu’il n’y a pas de pouvoirs sont souvent ceux qui se le sont accaparés). J’ai beaucoup aimé la citation de Jo Freeman « la tyrannie de l’absence de structure ». Merci, je ne connaissais pas !

Tout ça pour dire que je ne trouve pas qu’il y ait d’incompatibilité à parler d’autogestion malgré la présence d’instances intermédiaires de coordination, de rôles, de règles et acceptées par les personnes concernées. Certes, on est moins autogestionnaire quand tout ça se cumule mais c’est un gradient à mettre au regard de ce que produit le collectif. Par contre il faut que ces rôles, ces instances soient définis, limités, révocables, accessibles à celleux qui le souhaitent… etc. Bref, tout est dans le détail.

Je vois la notion d’autogestion dans le sens suivant :
Des gens se sont organisés pour gérer leurs problèmes, sans attendre que l’état ou la charité ne le fasse pour eux. Ils participent à hauteur de leurs capacités, ils ont délégué une partie de leurs devoirs à d’autres personnes selon des modalités clairement définies (salariés et non salariés), ils ont accès à ces rôles de « délégation » ou de représentation s’ils assurent les responsabilités qui vont avec.

Si l’autogestion c’est : pas d’instance, pas de délégation de pouvoir, pas de rôles, et qu’on pousse la logique au bout : il faut que chacun réussisse à produire tout ce qu’il utilise lui même ou presque… ça n’a pas de sens. Et c’est souvent un reproche que je fais aux camarades « anarchistes » qui ont une grille autogestionaires trop dogmatique à mon goût : aucun humain ou collectif n’est assez pur pour eux car il faudrait que chacun soit purement autonome. C’est une posture exclusivement critique et aucune organisation collective ne les satisfera jamais.

Je me permet aussi de rebondir sur ta description de l’Elefan car elle ne me semble pas tout à fait adaptée à celle de La Cagette. Il me semble donc bien que le qualificatif d’autogestionnaire ne dépend pas du « modèle du supermarché » mais de l’organisation mise en place dans chacun des projets.
Quand tu dis :

  • il y a une répartition des décisions entre salarié.e.s et membres qui ont des prérogatives spécifiques pour chaque parties.>

A La Cagette, « sauf exception », les rôles sont accessibles aux membres indistinctement, qu’ils soient salarié.e.s ou non. Si un coop s’engage à assurer une responsabilité pour le collectif et qu’il y arrive, c’est le top. Sinon, elle revient à un.e salarié.e. car il faut bien que le collectif avance. Il y a certaines tâches extrêmement complexes ou rébarbatives qui n’ont, par expérience, pas réussies à être gérées de manière satisfaisante bénévolement (par exemple l’achat de marchandise). Du coup, le collectif a décidé de confier cette tâche aux salariés selon des règles explicitées dans un document. Mais ça n’est pas définitif et on peut en reparler si un coop a l’envie et la dispo d’assurer des commandes. (ça arrive de temps en temps).

les créneaux ou services sont « obligatoires »

C’est relatif. On n’est pas viré de la coop si on ne fait pas ses services. Ils sont obligatoires pour faire ses courses mais pas obligatoires pour voter en AG. Il me semble que c’est assez adapté au principe anarchiste selon lequel chacun est responsable de ses actes et que le fait de participer implique des devoirs.

  • les prises de décisions se font par des instances

S’il n’y a pas d’instance de décision, il me semble que ce sont les plus forts ou les mieux « dotés » qui gagnent. Il ne me semble pas que ce soit de l’autogestion. En tout cas il ne me semble pas que ce soit souhaitable.

  • etc

Dernière chose, je me permets de répondre à un point qui avait été évoqué frustreautogestion, car en tant que salarié et militant bénévole (et oui on peut faire les deux), elle met en cause tout le sens de mon travail :

Les salariés des supermarchés coop sont les seuls à « tirer profit » du bénévolat des membres ». Nous disons : « La valeur captée sur le travail bénévole est redistribuée essentiellement à quelques salariés. ». Mais ne chipotons pas, c’est en gros le message que l’on fait passer.>

Par provocation, je pourrais dire exactement l’inverse :
Les membres sont les seuls à tirer profit du travail des salariés. Je veux dire par là qu’il est indigne de la part de quelqu’un qui est cultivé et qui se revendique de l’autogestion, de l’anarchisme… de laisser entendre que les salariés « tirent profit » d’une entreprise alors qu’ils sont payés en échange d’un travail et un travail pas toujours facile. J’aimerais bien que Mr Frustration me dise quel salarié de supermarché coopératif ne mérite pas son salaire. Il me semble que les salarié.e.s de supermarchés coop sont particulièrement investis dans leur travail, et qu’ils ne sont pas payés de manière abusive. A La Cagette nous nous rapprochons tranquillement du salaire médian français, pour participer à la gestion d’une boîte qui fait 3 millions d’€ de chiffre d’affaire. Cela me semble tout à fait légitime.

Il n’est pas question ici de dire que les salariés roulent sur l’or, mais que contrairement à une pensée d’un commun ou même d’une simple coopérative un peu plus classique où tous les ouvriers se partagent à égalité les bénéfices de leur travail, ici il y a deux catégories de membres qui ne tirent pas les mêmes bénéfices.>

Mais de quelle coopérative « classique » parlez-vous ? Le crédit agricole ? Leclerc ? Biocoop ? Il me semble que les coopératives qui partagent leurs bénéfices à égalité entre tous les ouvriers sont extrêmement rares… en fait je n’en connais aucune. A l’inverse je connais plein de coopératives qui ont différentes catégories de membres qui ne tirent pas les mêmes bénéfices. C’est le cas de la plupart de SCIC.

Et de surcroit il y a un fossé entre ce que gagnent les salariés et ce que gagnent les autres membres et que cela pèse sur les finances et donc sur la marge de manière sensible.

Mais c’est n’importe quoi. Les salariés ne font pas la même chose que les autres membres. Nous travaillons 35h/semaine, nous avons des responsabilités, des obligations, une attente de productivité… que n’ont pas les coopérateurs au cours de leur participation. Il y a même des membres qui sont exemptés… si on suit la logique, ils exploitent les salariés… pffff

D’ailleurs pour la plupart, les bénéfices qu’ils tirent des prix « moins chers » si ils ne font pas des grosses courses dans le supermarché et sur des produits où le prix est plus avantageux (le bio par exemple), ne valent pas les deux ou trois heures de travail obligatoires, si elles étaient payées à l’heure à un salaire médian.>

C’est une grille d’analyse bien mercantile et je trouve ça surprenant de la part de quelqu’un qui se dit autogestionaire. Je ne vais pas faire la liste de toutes les satisfactions non-pécunières que trouvent les membres à participer à un supermarché coop, ce serait trop long. Mais quand bien même on essaye de calculer s’il est « rentable » de participer bénévolement, le résultat n’est pas si simple :

Je ne vois pas de formule de méthode de calcul idéal mais il faut me prouver que ce n’est pas rentable de participer à La Cagette :

  • Les gens participent en moyenne 2h/mois.
  • Ils dépensent en moyenne 160€/mois.
  • Le salaire médian est de 15€/heure.
    Ce n’est pas si évident.

En tout cas, c’est prendre des milliers de gens pour des imbéciles que de leur dire qu’ils se font spolier par des salariés qui tirent profit de leur travail mais qu’ils ne s’en rendent pas compte. Nous avons 2000 personnes qui participent tous les mois, mais ils ne se rendent pas compte de ce qu’ils font. Sont-t’ils tous sujets au syndrôme de stockholm ?

Allez, je me suis bien défoulé. Je me tais. Désolé pour le blabla. Je suis déjà un futur vieux mal blanc qui prend toute la place !

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Bonjour, bonjour,

Après lecture de ces échanges, je voudrais profiter de cette occasion pour remercier les quelques salarié.e.s de coop qui trouvent le temps (ici et partout dans ce forum :pray:) pour partager & visibiliser des aspects complexes et nuancés de nos structures et fonctionnements, et faire des retours d’expérience, car beaucoup d’entre nous (salarié.e.s d’autres coops) n’avons que rarement la possibilité matérielle de sortir la tête de l’eau pour prendre de la perspective et la partager aux autres.

Lectrice habituelle de Frustration Magasine , je déplore effectivement le point de vue pris dans cet article, d’opposition entre deux modèles ‹ alternatifs ›, au lieu de complémentarité et d’apprentissage mutuel, et pour ainsi dire pour des ‹ miettes de pains › quand on considère le poids cumulé de tous nos modèles face aux autres ‹ géants de la grande distribution ›.

Je voudrais quand même (ré)affirmer certains aspects qui de mon point de vue sont ignorés voir contredits dans votre article, sans pour autant reprendre tous les éléments de la discussion.

  • Véritablement il y a une distinction nécessaire entre différences de modèles et différences d’application, et c’est le problème profond avec le parti pris dans l’article, qui ne fait que confondre les deux, constamment, alors que c’est dans l’essence du modèle de magasin participatif que de voir fleurir des approches variées et des interprétations différentes. Donc je ne vais parler que des pratiques que je connais, c’est à dire principalement celles de Breizhicoop (qui correspond selon vos définitions à une ‹ épicerie participative › mais qui ambitionne depuis sa création de devenir un ‹ supermarché coopératif ›). Et il y a en effet pleins de choses que vous citez comme général à toutes les supermarchés coop et que nous ne faisons pas ou différemment (par exemple nous nous sommes fixé l’obligation d’offrir une option ‹ papier › à tous nos outils informatiques qui relèvent de la démocratie participative).

  • Les espaces de ‹ coopérations › varient donc selon les structures, mais chez nous on trouvera en plus des AG & des comités ou groupes de travail, des Forums qui sont reconnus comme le moment et l’endroit le plus légitime pour prendre des ‹ grosses › décisions, c’est à dire stratégiques & fondamentales, et qui peuvent aller à l’encontre des décisions prises dans toute autre sphère. Chaque Forum a sa thématique, selon les problèmes, défis, ou mêmes questions du moment. Il n’y a pas de vote, nous procédons à prendre les décisions par consentement (je ne sais pas ce qui est le mieux, mais c’est comme ça que nous fonctionnons).

  • Les postes de membres des bureaux tournent (renouvellement d’un tiers des sièges tous les ans), je ne vois pas la dessus la possibilité d’avoir des ‹ indéboulonnables ›, qui effectivement peut être un problème récurrent dans notre structure comme je crois toutes les structures collectives, mais de notre côté c’est limité sur cette partie là.

  • Pour ce qui est du ‹ recrutement affinitaire ›, c’est tirer le trait que d’en faire une généralité, ce que je peux dire des deux embauches qu’il y a eu chez nous, c’est que les candidatures des personnes membres de la structure n’ont pas été particulièrement favorisées, il y a été admis que c’était logiquement un point positif car ‹ signe d’adéquation › aux valeurs de la structure, mais ça n’a vraisemblablement pas suffit chez nous car aucunes des deux embauches n’a été orientée vers un.e coopérateurice.

  • L’utilité ou la ‹ valeur ajoutée › par la présence de salariés chez nous est (outre l’aspect opérationnel et de coordination) notamment : de travailler à servir la volonté commune en terme de ‹ produits › mais aussi en terme de ‹ façon de faire ou d’acheter ›, par exemple : nous ne négocions pas avec les producteurs, mais avec les grossistes nous y sommes autorisés ; nous ne faisons pas de promotions ; les nouveautés viennent en général de demandes faites par des coopérateurices ; mais aussi nous respectons les saisonnalités locales pour toute production qui est possible localement ; etc. En somme, mon travail entre autre est de traduire les choix théoriques et idéologiques en application dans le domaine de l’approvisionnement et de la distribution, et de remonter des informations du terrain pour avoir une réponse ‹ idéologique › commune dessus (ex : il existe des tomates bios mais sous serre chauffée, que fait-on ? est ce que c’est en concordance avec nos principes et nos souhaits? Non ? Ok donc la période sur laquelle nous aurons des tomates sera raccourcie mais vous ne serez plus jamais inquiets d’en acheter des ‹ polluantes ›, etc).

  • Aussi vous parlez du fait que ce ne serait pas ‹ rentable › pour les bénévoles, car leur temps de travail en valeur ne serait pas récupéré en économies sur les courses. Mais de mon point de vue la méthode de calcul est incomplète, car on ne prends pas en compte le fait que consommer c’est déjà un travail non rémunéré, et plus particulièrement pour les consommateurices qui s’efforcent pour des raisons éthiques, écologiques, ou budgétaires, à ne pas acheter n’importe quoi, ce qui est logiquement le public cible (au moins au départ) de ce type d’initiative. La réflexion sur la consommation est un travail lourd & complexe, et les impacts socio-économiques & écologiques sont réels (même s’ils sont souvent à l’autre bout de la planète). Donc il y a de mon point de vue la dessus un intérêt énorme à salarier ce travail au sein d’une structure de confiance, parce qu’on peut alors collectiviser ce coût au bénéfice de toute une communauté, et oui, on aurait intérêt à prendre en compte ce temps ou cette économie de temps individuel, dans le calcul ‹ coût-avantage › des membres. Justement cela pourrait même servir à ces gens ‹ attachés à leur consomm’action › (à tord ou à raison) de se libérer du temps et de l’espace mental finalement, par exemple pour se consacrer à d’autres causes militantes ?

  • Aussi nous ne sommes pas une coopérative de salariés, mais une coopérative de consommateurs, et (à ma connaissance mais peut être que je me trompe sur cet aspect) il n’est pas question, en tout cas chez nous, de redistribuer quelque bénéfice que ce soit aux salariés, tout doit être réinvestit, et si un jour il n’y a plus à réinvestir il sera surtout question de baisser nos marges justement, même si bien sûr, il y a aussi des discussions autour d’une rémunération juste des salariés, mais honnêtement je ne comprendrais pas que l’on défende l’inverse, et ce n’est clairement pas nous, salariés, qui décidons seuls de ces aspects.

  • À Breizhicoop nous ne nous réclamons pas particulièrement de l’autogestion, mais de la coopération. Après je reconnais qu’il peut y avoir une certaine tendance dans les discours que je vois à invisibiliser la présence & nécessité de salariés, et à faire ‹ croire › que tout est rendu possible par l’implication des bénévoles seulement, alors que c’est pourtant faux et que je ne vois même pas en quoi c’est un problème.

  • Je rejoins ce que partage Antonin, particulièrement sur les prix et les taux de marges. Oui chez nous, l’objectif de marge est de 24%, et si tout va bien d’ici 1 ou 2 ans, il sera abaissé à 20% (et plus après si c’est possible), mais la correlation marge et prix est vraiment erronée, nous avons des concurrents ou homologues qui margent plus et vendent moins chers, et inversement, pour un panel de raisons différentes.

  • Pareil pour l’offre, un avantage non négligeable (qui est possible chez nous par le fait de salarier les approvisionnements), c’est que nous essayons de ‹ tout réunir › : des produits de supermarchés, mais aussi de magasins spécialisés, de magasins de producteurs, d’épicerie fine & de caves, etc, ET que nous nous efforçons d’assurer leur disponibilité (cela fait partie des arguments ‹ d’efficacité › dont il est question pour les supermarchés).

  • Et la dessus, je crois que ce qu’il y a de peut être de plus malhonnête dans la comparaison avec tout ce qui n’est pas un ‹ supermarché ›, c’est de vouloir faire croire aux lecteurices qu’en adhérant à ces modèles, il est véritablement possible de faire en sorte d’y substituer entièrement ses achats pour besoins de consommations ? Du coup en tant que consommateurs est ce que concrètement on réussit à y faire toutes ses courses ou est ce qu’il faut systématiquement compléter au marché ou supermarché du coin, notamment pour ce qui est frais et ultra frais ? Je dis cela en travaillant justement dans un magasin qui ne permet pas encore d’offrir complètement cela, mais quand on parle de trouver ou pas une alternative à la grande distribution, ou de changer la manière dont on fait ses courses, c’est je trouve une précision essentielle (par exemple dans le tableau de comparaison des modèles de magasin de consommateurs :slight_smile: ).

Enfin, sur les salariés, votre article est quand même assez à charge aussi. Je ne comprends pas du tout pourquoi diaboliser les salariés, et l’idée même du salariat à ce point, avec particulièrement ce passage de salarié ‹ bourgeois propriétaire de ses moyens de production ›. J’ai peut être raté un épisode idéologique à gauche, mais depuis quand est-ce un problème que ceux qui travaillent soient « propriétaires de leur moyen de production » ? (Et depuis quand la bourgeoisie a besoin de travailler ?? :laughing:) Alors que plus bas il est question des effets néfastes d’ubérisation de la BA Citoyenne, mais en fait, on est justement sur la volonté inverse de collectivisation de moyens de productions, ou plus précisément de moyens de consommations…

Après c’est une autre discussion, parce qu’encore une fois ce n’est pas ce que je constate chez Breizhicoop, les salariés sont co–propriétaires des moyens de productions au même titre que les coopérateurices-bénévoles, et n’ont pas plus de poids dans les décisions que les autres, notre voix comptent pour 1 comme pour les autres ce qui nous rends logiquement minoritaires. Et le seul privilège matériel concret que je constate de mon côté c’est effectivement que nous n’avons pas à faire de ‹ temps de bénévolat obligatoire › pour pouvoir être membre et y faire ses courses, même si sur un plan plus personnel, je considère que l’implication mentale & émotionnelle que mon travail nécessite, est tout à fait valable comme contribution bénévole et laargement au dessus d’une valeur de 3h mensuel de travail rémunéré au salaire médian (mais ça, c’est ma déclaration, personne n’est obligé d’y adhérer ou même de me croire sur parole). Il y a effectivement le ‹ pouvoir d’action › du fait d’être rémunéré pendant le temps que l’on consacre à l’activité, mais quand même nous sommes très loin de ‹ choisir nos activités librement ›, nous avons des objectifs, des comptes à rendre et des missions précises et sommes sommés de rapporter des problématiques nouvelles ou non prévues aux instances de décisions collectives.

Et oui nous avons le privilège de travailler pour le compte d’une communauté, dont nous faisons partie, plutôt que pour les poches de quelques uns, mais je pense que c’est un sentiment que vous pouvez comprendre chez Frustration vu votre modèle économique !

Tout ceci n’est pas parfait, peut s’améliorer davantage, mais de là à dire que l’échec de ce modèle est désormais avéré, même sur le plan de l’émancipation collective et individuelle, et alors que ça fait à peine une décennie que le modèle est en cours d’application, je ne suis bien sûr pas du tout de cet avis :smiley:

Je dis tout cela, mais je suis contente que cela ouvre des discussions et réflexions ici :slight_smile: Un mal pour un bien si vous voulez faire dans l’expression pratique !
:wave:

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Bonjour,
je vous lis bien sur, ainsi que mes coauteur·rice·s.

Nous laissons volontairement le temps passer un peu, en particulier car nous avons vu que vous aviez des discussions entre vous, ce qui est top et qui évite de polariser la discussion entre tenants d’un modèle autogéré et tenant d’un modèle coopératif.

@NoorB_Breizhicoop Nous sommes convaincus que pour avancer dans une pensée il faut bien sur penser ensemble, en complémentarité, mais aussi penser en opposition : comparer, décortiquer, soupeser. La base pour faire des choix. Après ce n’est pas une bataille pour des miettes de pain, à savoir ouvrir deux épiceries plutôt que deux supermarchés, mais l’expression de divergences politiques de fond, sur lesquels nous tenteront de revenir.

Bonne journée :slight_smile:

Nous sommes convaincus que pour avancer dans une pensée il faut bien sur penser ensemble, en complémentarité, mais aussi penser en opposition : comparer, décortiquer, soupeser.

C’est exactement ce que vous n’avez pas fait dans votre article partial et à charge.

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Bonjour à toustes,

tout d’abord je suis désolé d’avoir pris tant de temps pour répondre. Je ne savais pas par quel bout le prendre. De plus j’attendais les réponses de Charles aux points précédents ;).

En relisant nos échanges, le sujet du salariat m’a particulièrement interpellé, en raison de ses implications fondamentales dans nos modèles respectifs. Et notamment car vos réponses sont aussi pas mal là dessus (peut-être car vous êtes plusieurs à être salariés de ces structures). J’ai déjà partagé mes inquiétudes concernant les aspects pratiques du salariat, mais je souhaite aujourd’hui continuer au regard de deux points mis en avant par les comptes-rendus de la Cagette : l’autogestion et l’anticapitalisme. Je pointe la Cagette en particulier car j’en ai des représentants et pour éviter « Ça c’est la Louve, nous c’est pas pareil ».

Je reconnais bien sur les efforts de la Cagette et même des autres initiatives pour créer un supermarché différent, et je peux comprendre l’importance que vous accordez à des valeurs telles que l’autogestion et l’anticapitalisme. Cependant, je me permets de soulever des réserves quant à la façon dont ces éléments sont mis en avant dans la communication (externe comme interne via le choix des termes dans les formulaires de satisfaction où 66 % et 62 % des membres viendraient pour ces éléments et l’autogestion serait un des quatre éléments plébiscités où la Cagette est à la hauteur des attentes). Je vais partager mes préoccupations sur la compatibilité de ces aspirations avec le modèle en place, ce qui le sous-tend et ces possibilités d’évolution. Les prétentions étant fortes, la critique sera probablement au diapason.



Déséquilibre salariés / membres
Les observations pertinentes formulées par Elefan suscitent inévitablement des réflexions approfondies. L’idée centrale d’autogestion se fait entre pairs. Elle prend une nuance complexe (voir impossible?) lorsqu’elle est appliquée à un projet englobant une variété d’acteurs, des salariés aux bénévoles.

Elefan souligne judicieusement les défis liés à la dynamique du salariat. Les salariés s’impliquent de manière disproportionnée, créant ainsi une élite. Dans le cadre autogestionnaire nous ne sommes pas à l’abri de ce phénomène via des élites informelles : mais c’est alors une dérive et non pas une chose établie d’emblée et c’est une dérive qui ne peut prendre une telle ampleur. Jo Freeman nous dit que contre l’élite il faut pouvoir révoquer. C’est difficile lorsqu’un projet autogestionnaire dévie, c’est bien plus compliqué avec le salariat car se rajoute EN PLUS, le statut juridique : bien que les garanties étatiques entourant le salariat soient cruciales, elles introduisent simultanément des déséquilibres et limitent la capacité des coopérateurs à révoquer certains individus.



Supermarché coop et SCIC : ce que ça nous dit de l’autogestion
Il est intéressant de relever les réserves d’Antonin vis-à-vis de notre notion de ‹ bourgeois collectifs ›, notamment en ce qui concerne la critique potentielle des coopératives de producteurs. Cette question fait l’objet d’une élaboration plus bas.

Je peux reconnaître que, dans une certaine mesure, une forme d’autogestion peut exister au sein d’une SCOP (coopérative de producteurs), où des pairs partageant des intérêts similaires se réunissent. Néanmoins, cette dynamique semble rencontrer des défis lorsque des individus aux statuts différents sont regroupés, rendant par définition l’autogestion impossible

En examinant la SCIC, qui intègre des membres aux statuts variés tels que salariés, bénévoles et bénéficiaires, il apparaît une filiation claire avec la Cagette et les supermarchés coopératifs. Cependant, la mise en œuvre nécessite une compréhension approfondie des dynamiques propres à chaque type de membre. Il est crucial de reconnaître que la coexistence de divers statuts au sein d’une structure coopérative, nécessite une gestion attentive des dynamiques et des divergences d’intérêts.
Il faut observer que le modèle de la SCIC, en tant que structure coopérative, prend dès le départ en compte et reconnaît explicitement les divergences d’intérêts qui peuvent exister entre ses membres. Cette reconnaissance se concrétise par la mise en place de mécanismes visant à limiter le pouvoir de certains et à accroître celui des autres, notamment par le biais de collèges distincts. Ces pratiques visent à rendre visibles les différences d’intérêts, instaurant ainsi un contre-pouvoir assumé et efficace au sein de la coopérative.

En comparaison, il est frappant de constater que la Cagette, et même d’autres supermarchés coopératifs tels que La Louve, semblent encore loin de cette approche (pour la Louve c’est peu de le dire). Théoriquement, la SCIC propose dès le départ la reconnaissance et la prise en main de ces différences. Cependant, dans le discours de nombreux supermarchés, en particulier la Cagette, et même dans les échanges sur cette page, cette divergence est souvent minimisée. Cette observation est en ligne avec les inquiétudes exprimées par Antonin, qui souligne que décréter que quelque chose n’existe pas ne les élimine pas, mais les relègue plutôt sous le tapis et suscite une suspicion légitime, notamment car « ceux qui disent qu’il n’y a pas de pouvoirs sont souvent ceux qui se le sont accaparé » (Antonin).

Dans la pratique, nous pouvons voir que ces coopératives, y compris la Cagette, semblent évoluer vers le modèle de la SCIC, bien que cela se fasse par tâtonnements. Ces hésitations théoriques à reconnaître et à traiter ouvertement ces différences participent de cette lenteur à, voir le refus d’, adopter d’autres approches.

Il y a donc un retard notable dans les pratiques de la plupart des supermarchés coopératifs vis à vis des SCIC. Or, les SCIC ne sont pas en plus la panacée. Il faudrait s’empresser déjà de faire aussi bien mais rapidement de les dépasser. L’ESS n’est pas autogestionnaire ni anticapitaliste, au contraire, elle s’y insère parfaitement et c’est en ce sens qu’elle est institutionnalisée par l’État. D’ailleurs le constat que rien d’autogestionnaire ni d’anticapitaliste n’émerge, rappelle le paradoxe que même dans le monde financier capitaliste, des éléments de participation et de votes des actionnaires existent, sans pour autant remettre en cause le système !



Le bourgeois collectif : les salariés
Je reviens sur la notion de « bourgeois à plusieurs » qui a suscité des réactions de la part d’Antonin. Il exprime sa préoccupation en disant : « Lire ça de la part de pseudo-anarchistes, c’est la honte… la CNT doit se retourner dans sa tombe. »

Il est important de souligner que cette notion ne provient pas de nous, mais trouve ses racines chez des penseurs comme Bakounine et au sein de la seconde internationale. Je ne pense pas qu’il soit un pseudo-anarchiste ni si ces références feraient honte à la CNT :). Je pense que cette perspective critique à l’égard des formes coopératives de production, bien que vieille d’un siècle et demi, mérite d’être entendue et comprise. C’est une préoccupation historique partagée par des penseurs anarchistes. En ce sens, plutôt que de susciter le mépris, cette critique mérite une réflexion approfondie et une compréhension contextuelle.

Pour illustrer cette perspective, citons un extrait de Bakounine dans « Lettre aux rédacteurs du Proletario Italiano » : « Les sociétés productrices offrent pourtant au point de vue de l’émancipation ouvrière un danger : celui de créer au sein même des masses ouvrière une classe nouvelle d’exploiteurs du travail du prolétariat. […] ils représentent tous ensemble un bourgeois collectif exploiteur. C’est en vue de ce danger que le second congrès de l’Internationale tenu à Lausanne en septembre 1867 […] a voté la résolution suivante : « Le Congrès pense que les efforts tentés aujourd’hui par les associations ouvrières […] tendent à constituer un quatrième état ayant en dessous de lui un cinquième état plus misérable encore (la grande masse du prolétariat)» ».

En résumé, Bakounine note que dans certaines sociétés coopératives, les salariés de longue date adoptent collectivement un comportement similaire à celui d’un bourgeois propriétaire vis-à-vis des nouveaux salariés. Dans le contexte qui nous intéresse, il est pertinent de faire un parallèle entre les salariés et les autres membres de la coopérative.

Je maintiens donc l’idée qu’il existe dans certains supermarchés coopératifs une dynamique de bourgeois collectifs, une forme d’aristocratie salariale qui s’est développée et qui peut peser sur le modèle coopératif. La Louve est citée en exemple, tout comme d’autres supermarchés qui semblent être lancés par des entrepreneurs cherchant à se salarier, entre autres.



Le bourgeois collectif : les membres
Il est important de reconnaître une réalité soulevée à juste titre par Antonin et NoorB_Breizhicoop : dans de nombreux supermarchés coopératifs, la situation des salariés est souvent marquée par une certaine exploitation, avec des rémunérations ne reflétant pas toujours l’investissement et l’énergie déployés. Cette observation ne remet pas en question le concept de bourgeois collectif, mais suggère plutôt que ce rôle pourrait dans ces cas là être attribué aux membres de la coopérative. Ceci crée un parallèle avec les actionnaires votant les résolutions dans le contexte financier traditionnel.
En mettant en avant le fait que certaines personnes préfèrent un service de qualité sans un investissement direct, choisissant plutôt de rémunérer d’autres pour cela, on peut interpréter ce comportement comme une manifestation de bourgeois collectif. Comme je pourrais (sous)-payer quelqu’un pour tailler les haies de ma propriété. Et c’est exactement l’inverse de l’autogestion !
En somme, ces points soulignent de manière concise certaines des contradictions qui peuvent émerger dans la pratique des supermarchés coopératifs, particulièrement lorsque des services sont rémunérés par commodité, affaiblissant gravement ainsi les arguments en faveur de l’autogestion et de l’anticapitalisme.



Autogestion : récupération d’un terme
Il est crucial d’aborder la question de l’usage du terme d’autogestion, notamment dans le contexte de la Cagette. Antonin martèle la diversité des visions de l’autogestion, sans toutefois préciser leurs origines ni reconnaître les récupérations politiques qui ont parfois altéré ce concept et dont il se fait l’héritier, malgré lui probablement.

À ce titre, Maurice Joyeux (c’est pas Bakounine, mais tout de même) a souligné les récupérations politiques de l’autogestion par les partis de gauche dans les années 70 : « L’autogestion de Marchais c’est du stalinisme débarbouillé pour faire neuf, celle de Maire du spiritualisme de carrefour populaire, celle de Rocard de l’électoralisme de circonstance, et j’ai bien peur que, pour beaucoup de jeunes camarades, l’autogestion ne soit rien d’autre qu’un gadget où ils fourrent toutes les idées, bonnes ou mauvaises […]. » Marc Prévotel (militant ouvrier, anarchiste et syndicaliste) a démontré très bien la reprise réactionnaire du terme (notamment à des fins corporatistes), ce qui le pousse à qualifier ce terme de « fascisme rampant ». Il le démontre en reprenant les propos d’Albert Meister sur la récupération en Yougoslavie ou en Algérie. Il le démontre également par le soutien l’église catholique à l’autogestion avec en France Chevènement et la CFDT, et mieux encore Jean XXIII et le soutien à cet esprit dans le concile Vatican II. Ces analyses soulignent le risque de déviation du concept vers des interprétations politiquement biaisées.

En interpellant la diversité des visions de l’autogestion, il est essentiel de reconnaître et de comprendre les diverses récupérations politiques qui ont altéré ce concept. Cela permettrait d’éviter une dilution du concept original et d’assurer une compréhension plus nuancée de son application, notamment dans le cadre des supermarchés coopératifs tels que la Cagette. Et peut-être une humilité vis-à-vis de la compréhension de ce terme.



À propos de l’anticapitalisme

Le modèle, l’ESS et le capitalisme
J’ai évoqué précédemment le lien avec l’Économie Sociale et Solidaire (ESS), et je souhaite approfondir cette réflexion. Les trois critères caractérisant une structure relevant de l’ESS sont l’utilité sociale, la démocratie, et le profit limité. Les supermarchés coopératifs s’inscrivent pleinement dans ces critères. Sans proposer tellement plus. Il est important de noter que l’ESS est intrinsèquement capitaliste. Comme le souligne Éric Martin, professeur de philosophie et expert en théorie critique de la valeur, l’économie sociale (un oxymore) a souvent été présentée comme une alternative économique par la gauche depuis les années 1980, cependant dans les faits elle « s’est avérée une forme laïcisée de la charité chrétienne, qui a de tout temps maquillé l’exploitation sous des couverts de justice sociale ».



Le salariat comme fondement du capitalisme
De surcroit, l’idée de « travail abstrait » dans la perspective marxienne met en lumière le fait que le travail constitue une médiation sociale spécifique au capitalisme. C’est la première fois dans l’histoire qu’une société, ici capitaliste, établit le « travail salarié » comme le principal, voire l’unique, mode d’interaction sociale entre ses membres. (Cela fait écho à la réflexion précédente sur le fait que des individus paient collectivement des salariés pour gérer leurs approvisionnements.) Le salariat, en tant que fondement du capitalisme, est au cœur de la manière dont nous interagissons socialement. Ainsi, baser un modèle sur le salariat n’est pas une démarche anticapitaliste, mais plutôt une reproduction acritique de la modalité de médiation sociale inhérente au capitalisme (pire quand en plus vous en défendez la nécessité).

Le modèle de supermarché coopératif m’apparait fondamentalement pas anticapitaliste. Je lui accorde volontiers des points pour son refus du capitalisme financier (même si son fonctionnement « démocratique » rappelle souvent celui d’une entreprise cotée en bourse avec ses actionnaires) et une réticence envers certaines formes de propriété lucrative.



Conclusion
Il me semblait important pour plusieurs éléments de voir d’où les choses viennent, dans quoi elles s’inscrivent pour les remettre en perspectives et en voir les limites. Le modèle du supermarché coopératif pour toutes ces raisons ne me semble pas prometteur pour une société anticapitaliste. Il n’est pas autogestionnaire et ne pourra l’être tant qu’il y aura des salariés. Ce n’est pas forcément grave, sauf quand vous vous en réclamez et que vous participez de la récupération de ce terme.

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Bonjour FrustrationAutogestion,

Si je résume votre propos :

  • tout collectif qui a recours au salariat n’a pas le droit de revendiquer de principes ou de pratiques d’autogestion ni d’anticapitalisme.

Cette grille de lecture me semble bien problématique car elle exclue l’immense majorité des collectifs constitués dans la réalité…. c’est une vision trop théorique et sectaire à mon goût.

Des collectifs comme les nôtres sont fait de milliers d’interactions quotidiennes aux cours desquels les expériences d’autogestion ou d’anticapitalisme concrets sont légion. Mais nous tachons également d’être pragmatiques ce qui nous oblige souvent à faire des compromis. Il y a effectivement des frictions avec ces valeurs d’autogestion et d’anticapitalisme… Vous pouvez tout à fait considérer que le fait d’embaucher des salariés est l’un de ces compromis. C’est un point de vue, mais de là à dire que nous fourvoyons ces concepts…. Ça serait bien de venir constater de vos yeux avant de porter des jugements définitifs et universels. Nous acceptons ces frictions et on essaye de mener tous les objectifs de front avec pas mal de réussite je trouve.

Dans nos collectifs, les coopérateurs sont parfois employeurs, parfois salariés, parfois camarades, parfois décideurs, parfois exécutants et les casquettes changent au fil du temps. Tout le projet coopératif est de trouver des modalités de participation collectives satisfaisantes. Personne n’est irrévoquable dans les instances de décisions.

A vous lire, le salariat n’existe pas dans les épiceries autogérées et votre collectif ne réunit que des personnes dont le statut est identique… Outre les pouvoirs symboliques, les difference de capital culturel, dont nous avons déjà parlé plus haut, vous ne pouvez pas faire comme si le salariat avait disparu de vos collectifs. Parmis vous, certains ont des emplois, d’autres non, certains ont des moyens, d’autres non.
Vous achetez tous vos produits à des salariés à qui vous déléguez d’une certaine manière le « sale boulot». Malheureusement il ne suffit pas de ne pas embaucher pour faire disparaitre le salariat. encore une fois, tout ça me semble être bien théorique et dogmatique.

Le monde sans salariat que vous souhaitez voir advenir est vraiment trés lointain. Il est certainement souhaitable mais je ne suis pas sûr que la méthode d’excommunication de tout ce qui ne vous correspond pas parfaitement soit le meilleur chemin pour y arriver.

Vous nous appelez à « plus d’humilité » mais je vous retourne le conseil. Je trouve qu’il faut avoir une certaine estime de soi même pour délivrer des brevets d’autogestion ou d’anticapitalisme. Egalement de se permettre de donner une définition univoque de concepts aussi utilisés qu’autogestion et anticapitalisme. Vous avez un sacré panache !

Je précise que je ne parle que de La Cagette comme supermarché coop puisque je ne sait pas exactement comment fonctionnent les autres.

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