« Coopératives : s'organiser hors du capitalisme » - Série France Culture - 23 mai 2023

Bonjour à tous !

Une petite pépite pour nous. Ca vient de sortir. A écouter !

Coopératives : s’organiser hors du capitalisme : épisode 2/3 du podcast Voyages en utopie (radiofrance.fr)
Les coopératives peuvent-elles être une alternative au capitalisme ou bien constituent-elles un phénomène de niche qui ne l’atteint pas ? Comment l’héritage des socialistes utopistes transparaît-il dans la coopérative moderne ?

Cet audio a été envoyé par la camarade Marie Hélène dans le réseau facebook de la Louve accompagné du message suivant :
'Ne pas oublier que nous avons la responsabilité et la chance d’appartenir à une coopérative, de consommation, forme anticapitaliste de mode social de consommation et de fonctionnement. Restons en dignes et attentifs et attentives à ne pas en pervertir les buts et le fonctionnement ’

Une heure d’audio de rappel historique du mouvement des coopératives, l’origine de la création des coopératives, les principes fondateurs des coopératives et pourquoi ceux-là, comment les choses ont été théorisées au départ ?. Passionnant. On apprend plein de choses (du moins moi) et ca fait réfléchir !

Les interventions d’Alexia Blin, chercheuse spécialiste des coopératives de consommation et agricoles aux États-Unis et Camille Ternier, spécialiste des coopératives de production : la description des rapports de domination et de soumission, la coopérative comme projet politique, pourquoi la coopérative peine à se généraliser aujourd’hui, a-capitalisme versus anti-capitalisme et pleins d’autres choses … sont passionnantes !
On en apprend plus sur les théoriciens Owen, Buchez, Charles Fourier, Saint-Simon et leurs visions.

Le passage ‹ ‹ ce qu’il y’a d’intéressant chez Fourier c’est qu’il y’a cette idée d’une sorte de spontanéité : les individus vont vers les travaux qui les passionnent parce que la passion est le révélateur de l’indice de la présence d’une faculté chez les individus › › j’adore !!

Bonne écoute et n’hésitez pas à interagir !

Nadia

Le résumé associé :
Les coopératives peuvent-elles être une alternative au capitalisme ou bien constituent-elles un phénomène de niche qui ne l’atteint pas ? Comment l’héritage des socialistes utopistes transparaît-il dans la coopérative moderne ?

Avec :

  • Camille Ternier Chercheuse post-doctorale au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF)
  • Alexia Blin Maîtresse de Conférences en Histoire et Civilisation des États-Unis, Université Sorbonne-Nouvelle (Paris 3)

S’il fallait définir l’entreprise coopérative en un seul principe, il s’agirait de celui de ”un individu, une voix” - par opposition à celui des entreprises classiques, “une action, une voix”. On retrace son origine aux penseurs socialistes du XIXᵉ siècle, et plus précisément aux travaux du Britannique, Robert Owen, qui, dans le cadre d’une expérimentation communautaire, a ouvert le premier magasin collaboratif à New Lanark en Ecosse. Mais on peut aussi penser à Philippe Buchez, disciple de Saint-Simon et premier théoricien de la coopérative de production.

Progressivement, aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis, la multiplication des expériences de coopération dans un contexte de grands bouleversements ouvriers post-Révolution industrielle ont permis l’institutionnalisation de la coopérative comme alternative au fonctionnement capitaliste classique. Si l’on a observé un regain d’intérêt pour ce modèle dans le cadre du mouvement autogestionnaire des années 1960-1980 - puis, après la crise de 2008 -, les entreprises coopératives ne sont jamais parvenues à s’imposer comme outil économique de référence. Désormais très encadrées par la loi, elles trouvent un écho dans la très en vogue « Économie Sociale et Solidaire », mais semblent s’être quelque peu vidées de leur substance originelle. Il convient alors non seulement d’interroger l’héritage du modèle coopératif initial, mais aussi sa capacité à se maintenir face au modèle capitaliste, voire à résister à ses tentatives d’infiltration.

Alexia Blin, spécialiste des coopératives de consommation et agricoles aux États-Unis, et Camille Ternier, spécialiste des coopératives de production, donnent un nouvel éclairage sur un sujet plus complexe qu’il n’y paraît.

D’essentiels jalons

Charles Fourier est l’un des premiers penseurs du système coopératif. « Charles Fourier est, plus que Robert Owen, l’un des inventeurs de la théorisation de coopérative de production, puisque dans le vaste domaine agricole et le palais social qui constituent le phalanstère, il y a véritablement un principe central du principe : l’égalité démocratique des membres, c’est-à-dire que les différents organes décisionnels sont élus. Fourier s’inspire beaucoup de la démocratie athénienne : il estime qu’il doit y avoir des élections fréquentes de chefs élus qui proposent, qui donnent un avis consultatif sur les travaux à opérer - l’Aréopage, un conseil suprême de l’industrie. Ce qu’il y a d’intéressant chez Fourier, c’est qu’il y a cette idée d’une sorte de spontanéité : les individus vont vers les travaux qui les passionnent parce que la passion est le révélateur de l’indice de la présence d’une faculté chez les individus. » Camille Ternier

Un autre homme tient une place importante dans l’élaboration de ce principe, il s’agit de Philippe Buchez, un saint-simonien : "Contrairement à Saint-Simon, Philippe Buchez assiste en premier au désastre de la révolution industrielle qui commence à entraîner une forte paupérisation. Chez Saint-Simon, il pouvait y avoir encore une sorte d’optimisme qui était lié au fait que c’était simplement moins développé, mais la révolution industrielle n’avait pas encore commencé. Donc Philippe Buchez voit qu’il y a une domination économique qui s’exerce et il voit même que le dirigeant prélève une part des bénéfices. Ainsi théorise-t-il l’exploitation du salarié par l’entrepreneur bien avant que Marx ne théorise la plus-value." Camille Ternier

Diversité et indivisibilité

Aux États-Unis, le décollage des coopératives est un peu plus lent qu’en Europe, mais non moins intense. "Les coopératives sont revendiquées par des grands mouvements fermiers ou ouvriers, en particulier les compagnies de chemins de fer. Et même si les réalisations sont peu nombreuses, et nettement moins abouties qu’en Europe, néanmoins la coopération en tant qu’idéal se retrouve dans les programmes de ces grands mouvements des années 1970 qui réunissent des centaines de milliers de personnes à cette époque", explique Alexia Blin.

Dans ses recherches, Alexia Blin souhaite mettre en exergue la politisation des coopératives : "D’après moi, toute entreprise est la matérialisation d’un projet politique et c’est encore plus visible, plus explicite, dans les coopératives : ne serait-ce que par cette importance placée dans les règles démocratiques qui vont régir la gouvernance de l’entreprise. On est vraiment là dans une explicitation du rapport de force qui doit être présent dans l’entreprise. Donc ‹ un membre, une voix ›, cela définit une égalité entre les actionnaires, même si ce n’est pas une égalité entre tout le monde. Limiter la part donnée au capital, cela revient quand même à un projet politique. Alors ça peut vouloir dire plusieurs choses : on va limiter le pouvoir des investisseurs absents notamment. On va dire qu’on ne veut pas de quelqu’un qui arrive avec son argent et qui va contrôler l’entreprise de l’extérieur. Un des principes de la coopérative, c’est que la société, l’entreprise, appartient à ceux qui y participent, à ses usagers, que ce soit des consommateurs, des agriculteurs, des producteurs. Ce sont ceux qui font vivre l’entreprise qui la dirigent et qui la possèdent."

Tout cela fait écho aux premiers principes mis en avant par Buchez, comme nous le rappelle Camille Ternier : "Chez Buchez, il y a quelque chose d’intéressant qui est le capital indivisible, l’idée qu’il faut qu’une part importante des bénéfices reste en réserve et ne puissent pas être dispersée par les membres de l’association."

Pour aller plus loin :

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Merci Nadia pour ce partage. Je vais m’empresser d’aller l’écouter :smiley:

J’adore cette phrase !

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