Bonjour Tutti.
Le sujet est délicat et crucial pour la pérennité des structures. Il est aussi très difficile à aborder et donc à adresser. La coop Demainsupermarche, connue à Lyon sous l’enseigne La Melting Coop, a connu une période similaire à plus d’un titre. Il semble que les choses s’apaisent et je donnerai plus loin mon point de vue sur comment, ou pourquoi cela s’apaise. En ce qui concerne le vécu je m’efforce d’être le plus factuel possible, globalement chronologiquement et ça a son importance, dans l’idée de présenter en quoi la situation est similaire :
- Tension entre les salariés et certains membres du collectif
- Arrêt maladie des salariés (3 à l’époque) dans un contexte de charge mentale (pas de charge de travail, le point avéré est d’importance).
- Flou dans le collectif sur l’attitude à adopter voire pas de débat ouvert, et donc pas d’espace pour l’échange de point de vue
- Mise à l’écart de 4 membres dont la présidente par le collectif (et dont moi)
- Manque de transparence et d’échange dans le processus de décision (Je parle pour moi, je ne sais pas les 3 autres. Mais j’ai reçu un mail de 3 lignes me disant en gros que pour sauvegarder la santé mentale des salariés je ne pouvais plus contribuer de quelconque manière. J’ai aussi reçu un appel téléphonique d’un membre du CoGouv m’expliquant que de son point de vue, je devais au moins être informé oralement, et je l’en ai remercié grandement. Et je n’ai jamais eu l’occasion d’exposer mon point de vue aux instances de l’époque)
- Contrairement à la situation de Scopéli, le conflit ne portait pas sur une question de sexisme. Le grain de sable était plutôt dans la gestion opérationnelle et les modes de décision, donc plutôt organisationnel.
De façon moins factuelle mais ressenti par tous les gens avec qui j’ai discuté, la période a été difficile à vivre pour tous le monde, et sans que l’on puisse le mesurer cela a certainement impacté la fréquentation et nos ventes. J’ai eu quelques commentaires sur l’état d’esprit ou l’ambiance qui dissuadaient des membres.
Évidemment, les 4 personnes mises sur la touche ont fort mal vécu la période également, d’autant que 3 d’entre elles étaient à l’origine du projet, et la quatrième, moi-même y était très impliqué depuis 5 ans.
Toujours factuellement, 2 salariés sont partis vers mai et nous avons recrutés 2 autres salariés. Donc aujourd’hui les 3 salariés forment une bonne équipe, j’avance ce propos sur la base de la Newsletter (mais je partage ce ressenti quand je vais y faire mes courses).
Je tirerai quelques maximes (oui c’est prétentieux, désolé) ou enseignements, qui vous paraîtront peut-être triviales, mais il me semble qu’on les oublie au fil de l’eau, et la tête dans le guidon.
- Faire vivre un collectif demande un engagement intellectuel très fort, c’est donc très compliqué. Le savoir peut permettre de dépasser le sentiment de découragement que l’on peut vivre de temps à autres. Je pense à ceux qui abandonnent le projet devant ces difficultés certes phénoménales.
- D’une manière générale nos organismes fonctionnent de façon transparentes et assez horizontale : ne pas faire l’impasse là dessus, d’autant plus si la situation est complexe et/ou critique, quitte à alerter et lancer une instance spécifique sur le sujet, malgré le temps et l’énergie que cela prend. (Ne pas hésiter à communiquer sur la crise, voire ci-dessus la maxime précédente à communiquer largement).
- Éviter le plus possible d’embaucher 2 salariés en même temps (ce qui est arrivé en septembre 2023, les 2 qui ont démissionné en mai 25). Nous avons pris un risque que nous avons réalisé ultérieurement alors que nous pouvons organiser le collectif pour palier l’absence de salariés (on l’a fait à plusieurs reprises). J’oserai même étendre la maxime de la sorte : ne pas embaucher un salarié si vous ne le sentez pas même si c’est la seule candidature.
- Le risque salarié a été sous-estimé selon moi (j’étais dans le groupe de recrutement et j’étais membre de la com RH). Quel que soit la situation, nous sommes très mal armés pour agir comme employeur, d’un de part notre organisation collégiale, deux de par notre esprit ESS qui nous prévient contre la fonction RH d’employeur et qui rend beaucoup de structure ESS fragile vis à vis de ce risque. Je ne l’invente pas. Les publications fourmillent de témoignages où les salariés sont sous contraintes, et souvent en épuisement pro de par la complexité des structures et le mélange des genres (salariés, coop, dirigeant, bénévole ou tout à la fois).
Pour conclure, j’ajouterai un point de vu personnel sur les risques de nos organisation.
À l’AG de mai le collectif a préparé une réorganisation des instances en les complexifiant. Avant il y avait un Comité de Gouvernance (Stratégie ou décisions importantes) et un Comité de Pilotage (l’opérationnel), plus des commissions thématiques et quelques chantiers menés par des groupes de travail (GT). Maintenant, en plus du CoGouv, il y a un directoire, en plus des commissions et des GT, il y a des conseils (je ne sais pas ce qu’ils y font. Je n’ai pas participé à ces travaux vu ma mise à l’écart).
Pour la faire courte, je lis ça ainsi : c’est la crise, pourquoi ? À cause des instances qui ne fonctionnent pas assez bien. Allez, on réorganise. Je vois l’idée : avec un directoire de 3 personnes on sera plus efficace.
Je doute du raisonnement. Plus d’instances, moins de réactivité, ou bien moins de démocratie. Oui, je pense que nous avons abandonné une partie de nos préceptes comme celui de l’horizontalité et la transparence.
Les choses vont mieux aujourd’hui pas du fait de cette nouvelle organisation, qui n’a pas eu le temps de prendre ses marques, mais du fait que l’équipe salarié cherche la cohésion avec le collectif.
Je résumerai cette expérience par un conflit avec les salariés et le collectif tangue.