Grande distribution : les prix et les marges des enseignes alimentaires affectés par l'inflation - Article LSA - Juillet 2025

Hello à tous !

Voici ce que j’ai trouvé dernièrement dans la presse à l’occasion la sortie du dernier rapport de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires . De quoi alimenter nos réflexions sur la marge de la grande distribution !

On parle souvent de marge ici mais on ne sait pas forcément qu’un observatoire indépendant existe en France pour comme son nom l’indique (essayer de) décortiquer la marge et identifier la répartition de la valeur entre producteur, industriels et distributeurs.

Mais on comprend aussi que, comme son nom ne l’indique pas, et sans surprise, la vraie transparence sur les marges de la part des différents acteurs en particuliers industriels et distributeurs n’est pas vraiment à l’ordre du jour !
Ce qui limite de fait le travail et les analyses de cet observatoire. Néanmoins, les conclusions de l’Observatoire sont intéressantes à lire je trouve !

Grande distribution : les prix et les marges des enseignes alimentaires affectés par l’inflation - Article LSA

L’Observatoire des prix et des marges des produits alimentaires a publié ce 9 juillet son 14ème rapport sur les prix. Si le coût de la matière première agricole (MPA) a reculé sur une majorité de produits, industriels et distributeurs ont reconstitué leurs marges, sans retrouver le niveau d’avant.

Dans les débats toujours agités au moment de la révision des lois Egalim successives, chacune des trois parties concernées par la construction du prix de détail, à savoir les agriculteurs, les industriels et la grande distribution, s’accuse mutuellement d’avoir les marges les plus importantes et d’être responsables de la hausse des prix. En présentant le rapport 2025 de l’Observatoire des prix et des marges des produits alimentaires (OPMP), Sophie Devienne , par ailleurs professeur d’agriculture comparée à AgroParisTech, a remis la balle au centre. « Il faut prendre l’ensemble de la période d’inflation et tenir compte du décalage temporel dans les évolutions de marges brutes. Les charges (énergie, engrais, salaires) ont augmenté pour tout le monde. »

Le coût de la MPA n’augmente plus, la grande distribution a servi d’amortisseur

Petit retour en arrière.Entre 2021 et 2022, la hausse des prix provenait principalement de la hausse de la matière première agricole (MPA). Selon l’Observatoire, elle contribue à elle seule sur cette seule période à 5,5 points sur 7,9 points de hausse des prix au détail. Mais sur l’ensemble du cycle d’inflation (2021-2024), la hausse de la MPA ne représente plus que la moitié de la hausse cumulée des prix, l’autre moitié relevant de la hausse des marges brutes aval. « Elle reste une contribution positive malgré tout, sauf pour les produits céréaliers », relève le rapport. Le pic d’inflation passé, comment allaient se comporter les différents acteurs en 2024 ?

C’est l’un des principaux enseignements du rapport qui sera remis au Parlement, le coût de la MPA a baissé en 2024, alors que l’inflation commençait à reculer (+1,3% pour l’alimentation). Plus précisément, sa part a reculé pour 20 produits sur 29, au vu du tableau ci-dessous. 13 connaissent une évolution négative des prix. La MPA augmente seulement pour les fruits et légumes (surtout les pommes de terre), les ovins et le beurre. Pour la pomme de terre vapeur par exemple, le prix au détail a progressé de 47%, la part du coût de la matière première étant passé de 24 à 37% du prix de vente au détail.

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Le choc des prix sur les produits agricoles ont été amortis dans un premier temps pour le consommateur par la compression des marges brutes aval, surtout par la grande distribution. Résultat : ses marges nettes ont diminué, avec des différences entre rayons, comme le montre le graphique ci-dessous.

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S’ensuit une période de reconstitution de ces marges brutes aval par les différents acteurs, mais sans toutefois revenir au niveau d’avant. Ce qui permet à Sophie Devienne de conclure : « sur l’ensemble de la période 2022-2024, l’augmentation du prix des produits alimentaires est due autant à l’accroissement du coût de la MPA qu’à celui de la marge brute aval » .

Aller … un petit article de l’Humanité pour une lecture du rapport sous un autre angle …

Les grandes enseignes font reculer notre souveraineté alimentaire - L’Humanité
Gérard Le Puill

Le 9 juillet, un rapport de 87 pages, destiné au Parlement et produit par FranceAgriMer, a été rendu public sur « la formation des prix et des marges des produits alimentaires ». Rédigé dans un style très prudent, il faut le lire entre les lignes pour y de déceler l’absence de résultats des trois versions de la loi Egalim votées par une majorité de parlementaires depuis 2018 dans le but de fixer les prix agricoles en tenant compte de l’évolution des coûts de production.

Le mercredi 9 juillet, parmi une trentaine d’autres journalistes nous étions au ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire à Paris pour prendre connaissance d’un « Rapport au Parlement », présenté comme une synthèse de 85 pages par « l’Observatoire de la formation des prix et des marges » (OFPM) des produits alimentaires. Il était présenté par Sophie Devienne, au nom de FranceAgriMer, cet établissement national des produits de l’agriculture et de la mer, dont le siège se trouve à Montreuil. Nous avons pris le temps de lire ce document très attentivement avant d’en évoquer le contenu.
Dans la salle de presse du ministère de l’Agriculture, Sophie Devienne était seule à la tribune pour présenter et commenter ce rapport. En page 5 du texte, on peut lire que « l’Observatoire n’est pas un outil d’analyse du présent ou de prévision du futur. Depuis 2010, il étudie le passé proche pour éclairer l’avenir. Il ne formule pas d’avis sur le niveau des prix et des marges. Il ne fait pas de recommandations. Il fournit des données et des analyses positives (explication des phénomènes sans jugement, en se basant sur des faits et des preuves empiriques), partagés par l’ensemble des parties prenantes ».

Importer plus pour moins payer nos paysans

En page 7 on lit que « le coût d’achat de la matière première agricole est ainsi rarement le prix du produit agricole et n’est jamais directement la marge brute de l’exploitation agricole. Pour les produits pour lesquels la matière première importée représente une part importante en grande surface (viande ovine, lait de chèvre, produits de la pêche et de l’aquaculture), la matière première est décomposée en produits importés et en production française. Le champ potentiel de produits à suivre par l’Observatoire est limité car ses modèles ne sont utilisables que pour des produits alimentaires issus de produits agricoles d’une seule filière (par exemple jambon et cochon, emmental et lait de vache, baguette de pain et blé tendre). Ils ne sont pas utilisables pour des produits alimentaires intégrant des produits agricoles provenant de plusieurs filières différentes ( plats cuisinés avec de la viande et des légumes, pâtisserie avec de la farine, du beurre ou de l’huile et du sucre )».
Destiné aux parlementaires, ce rapport semble dire aux députés et sénateurs que les trois versions de la loi Egalim qu’ils ont votées depuis 2018 ne peuvent pas répondre à la promesse du président Macron quand, le 11octobre 2017 à Rungis, il déclarait à l’adresse des paysans : « Nous modifierons la loi pour modifier cette construction du prix qui doit pouvoir partir des coûts de production». En adepte du «et en même temps», il y mettait un obstacle de taille en ajoutant aussitôt: «mais cette approche ne saurait suffire car elle ne sera efficace que si les agriculteurs se regroupent véritablement en organisations de producteurs pour peser plus dans les négociations en tirant profit des possibilités de droit de la concurrence ».
En page 10, le rapport de l’Observatoire indique qu’en 2019 « pour 100 euros dépensés en France pour l’alimentation, 10,5 servent à payer les taxes, 10,5 représentent les produits alimentaires importés, 12,8 correspondent à la valeur de la production agricole française incluse et 66,2 à la valeur créée en aval de l’agriculture ». En page 14 du même rapport, il est précisé que « d’après Kantar Worldpanel, la part de marché actuelle des quatre premières enseignes (E. Leclerc, Carrefour, Intermarché-les Mousquetaires, Groupe U) est de 70%. Si on ajoute les cinq suivantes (Auchan, Lidl, Casino, Aldi, Cora-Louis Delhaize) on atteint 98% de part de marché pour 9 enseignes de grande consommation et frais libre-service ».

Le marché du cochon face à ses contradictions

Ce long rapport ne produit aucune analyse sur la formation des prix payés aux paysans. On sait pourtant que le prix du litre de lait au départ de la ferme est fixé de manière unilatérale par l’entreprise qui le collecte, dont la multinationale Lactalis. Le prix du kilo de carcasse de porc payé par les abattoirs aux éleveurs obéit aux cotations hebdomadaires descendantes du marché au cadran de Plérin dans les Côtes d’Armor. Quand l’offre dépasse la demande les prix baissent sensiblement, même quand les coûts de production augmentent. Le kilo de carcasse de porc cotait moins de 1,30 euros à Plérin en 2022 quand le maïs qui entre en grandes quantités dans l’alimentation des porcs cotait plus de 300 euros la tonne à Creil. Le 30 juin dernier à Plérin, le kilo de carcasse cotait 1,71 tandis que la tonne de maïs ne cotait que 17euros à Creil le même jour.
Un encadré publié en page 82 du rapport est titré « Est-il possible d’attribuer une partie des évolutions observées depuis 2022 à Egalim?». Il donne une demi-page de réponses dont voici un extrait: « l’Observatoire ne dispose pas d’éléments permettant de différencier les parts attribuables aux différentes causes possibles. Or, justement, l’application de la loi est concomitante d’une inflation générale des prix (due au COVID cette année là, ndlr), inflation mondiale dont l’origine est exogène au système alimentaire français et d’un niveau inédit au XXIème siècle ».
Dans son édition du 8 juillet, veille de la présentation de ce rapport, le quotidien « Les Echos »informait ses lecteurs que « Carrefour et Coopérative U créent un champion européen des centrales d’achat ». Nous reviendrons dans un prochain article sur cette initiative qui fait croître les importations pour faire chuter la demande sur le marché intérieur dans le seul but de faire baisser les prix payés aux paysans français.

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