La gouvernance éclairée des coopératives - Établir un équilibre entre le rendement et les principes plus généraux des coopératives (Etude Ernst&Young)

Bonjour à tous,

Le modèle coopératif est un beau modèle unique, d’avenir auquel il nous faut croire et qu’il nous faut défendre !
Voici un rapport d’étude qui offre un bel éclairage sur ce modèle, ses spécificités et qui traite du rôle central de la gouvernance dans la réussite des coopératives. Ca vaut le coup d’œil je trouve !

Il s’agit de La gouvernance éclairée des coopératives : Établir un équilibre entre le rendement et les principes plus généraux des coopératives et des mutuelles , rapport d’étude publié en 2013 par le cabinet d’audit et de conseil Ernst and Young.

Cette étude formalise l’équilibre complexe à établir entre le rendement des organisations qui repose essentiellement sur trois piliers et les pratiques de pointe en matière de gouvernance’’ .
Elle souligne le rôle clé de la gouvernance (gouvernance ‹ éclairée ›) dans la réussite des coopératives et émet des recommandations.

Elle est le fruit d’un travail d’étude basé sur de nombreuses rencontres, retours d’expérience et entretiens avec des dirigeants et administrateurs de coopératives en France, à l’internationale, d’observations et participation à des ateliers organisés lors de rencontres intercoop en 2012 …

Nos modèles participatifs ont beau être uniques, avec leur propre spécificité, cette étude me semble tout aussi valable pour nous !
D’ailleurs, certains projets ici suivent probablement certains des préceptes cités.

N’hésitez pas à réagir, porter une critique et partager vos expériences et réflexions sur le sujet !

Je vous encourage à le lire en entier (c’est pas si long) :
La gouvernance éclairée des coopératives- Ernst And Young-2013.pdf (831,8 Ko)

Qques passages de l’étude :

Introduction

Gouvernance : structurer pour réussir
La gouvernance représente l’ensemble des processus, des pratiques, des politiques et des structures qui déterminent la manière dont une organisation est dirigée, administrée et contrôlée.

Elle comprend aussi généralement les relations entre les nombreuses parties prenantes et les objectifs généraux. Les parties prenantes sont les personnes qui jouent un rôle direct dans l’organisation — les membres, les dirigeants, les membres du conseil — mais il peut aussi s’agir des fournisseurs, des prêteurs, des autorités de réglementation et de la collectivité en général. La manière dont chacune de ces parties prenantes est traitée dans le contexte de la gouvernance dépend de la nature de l’organisation.

La gouvernance d’une coopérative diffère de celle d’une société, car les conseils d’administration des mutuelles et des coopératives n’agissent pas seulement à titre d’organe de surveillance de la haute direction et des décisions stratégiques pour optimiser le rendement de l’investissement (comme le font les conseils d’administration des sociétés), ils vont plus loin : le conseil d’une coopérative ou d’une mutuelle doit s’occuper des besoins de ses membres tout en permettant à la coopérative ou à la mutuelle de rester compétitive sur le marché.

À mesure qu’une coopérative croît, l’une des menaces les plus sérieuses auxquelles elle doit faire face est l’incapacité de maintenir une relation suffisante avec les objectifs communs des membres tout en gérant une entité économique complexe.

Le conseil d’une coopérative et d’une mutuelle joue un rôle essentiel dans l’identification, le suivi et la représentation des besoins et des souhaits des membres ainsi que dans la communication de l’information aux membres, pour respecter le principe démocratique de l’organisation.

Piliers du succès du modèle coopératif

1/Promotion d’une relation de proximité avec les membres

L’un des défis majeurs du conseil d’une coopérative est de gérer efficacement les relations de proximité avec les membres — c’est-à-dire, assurer une interaction régulière, fréquente et significative avec eux. De quelle manière les organisations entretiennent-elles des relations avec leurs membres et s’assurent-elles que leur voix et leurs opinions sont entendues, tout en mettant en place des pratiques adéquates de gouvernance pour garantir la performance de la coopérative?

La clé du succès : une gouvernance structurée et des dirigeants engagés
La plupart des dirigeants du secteur que nous avons approchés ont déclaré qu’ils croient bien réussir à gérer cet enjeu dans leur coopérative.
Voici, selon eux, les facteurs clés de leur succès :

  • Des structures de gouvernance qui priorisent les besoins des membres. Cela peut comprendre, par exemple, un comité d’élection ou de nomination qui surveille le processus d’élection des membres du conseil pour assurer que le processus demeure juste et démocratique.
    De la même manière, certaines coopératives et mutuelles ont établi un comité des communications pour surveiller la quantité d’informations présentées aux membres et leur qualité. En plus de partager des informations importantes avec les membres, le comité peut aussi recueillir des données provenant des membres, au moyen de sondages ou d’autres outils, pour identifier leurs besoins.
    Et surtout, l’élément essentiel : un engagement clair de la direction à prioriser les besoins des membres.

  • Parmi d’autres facteurs clés du succès, mentionnons entre autres : des canaux de distribution adaptés aux besoins des membres et une gestion efficace du changement.
    Selon les dirigeants de coopératives et de mutuelles, bien que les assemblées générales et les groupes de discussion demeurent des moyens populaires mis en place par les conseils pour permettre aux membres d’une organisation de participer, ces derniers reconnaissent de plus en plus la valeur des outils virtuels et des technologies émergentes pour susciter l’intérêt de leurs membres.
    Les conseils habiles utilisent tout particulièrement les médias sociaux pour faciliter une communication et des échanges bidirectionnels et réguliers avec les membres. Cela peut comprendre, entre autres, l’utilisation de réseaux sociaux populaires, tels que Facebook et Twitter, et des sondages en ligne.
    Comme les dirigeants évaluent la meilleure façon de communiquer ouvertement et d’engager les membres à partager leurs besoins, la tendance émergente semble être l’investissement croissant dans les technologies pour soutenir la communication électronique en plus de l’interaction directe.

2/Création et promotion d’une marque

Comme toute autre entreprise, les coopératives et les mutuelles doivent promouvoir de manière efficace la qualité et la tarification équitable de leurs produits et services afin de se différencier de la concurrence.

De fait, ces organisations ont une longueur d’avance quand il s’agit de se différencier : elles peuvent profiter de leur «incidence sociale» au sein de leurs collectivités. Pour des dirigeants d’organisation prévoyants, la promotion de l’incidence sociale d’une coopérative ou d’une mutuelle représente une valeur ajoutée — en plus de promouvoir la qualité et une tarification équitable — qui pourrait se révéler un avantage concurrentiel sur le marché.

3/Compétitivité

Dans un marché de plus en plus mondial, les coopératives et les mutuelles font face au défi d’adapter leurs valeurs et leurs principes aux pratiques commerciales qui reflètent les valeurs et les principes des entreprises ou des sociétés détenues par des investisseurs.
C’est une tendance émergente qui présente de nombreux degrés de complexité et pourrait avoir une incidence sur le modèle coopératif même.

Pour rester compétitives, les coopératives et les mutuelles doivent
pouvoir s’adapter rapidement aux tendances en constante évolution du marché.

Composantes d’une structure de gouvernance flexible

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1/Participation des membres et indépendance des membres du conseil

Indépendance des membres du conseil par rapport à la haute direction :
En général, selon les pratiques de pointe, les membres du conseil devraient être, pour la plupart, indépendants — c’est-à-dire, ils ne doivent pas entretenir de relation importante, directe ou indirecte, avec la haute direction de la coopérative ou de la mutuelle, qui pourrait raisonnablement les empêcher d’exercer leur jugement de manière indépendante.

Séparation des tâches :
Selon les pratiques de pointe dans les conseils d’administration des secteurs réglementés, les rôles et les responsabilités des chefs de la direction et des présidents de conseil sont généralement clairement définis et séparés. Bien que les dirigeants d’importantes coopératives et mutuelles, avec qui nous nous sommes entretenus, aient indiqué qu’ils se conforment déjà à cette pratique, il importe de reconnaître que ce n’est pas nécessairement une pratique que toutes les organisations jugent adéquate dans leur contexte.

2/Étendue des connaissances spécialisées et des compétences des administrateurs

La gouvernance dans les secteurs réglementés exige généralement que les membres du conseil possèdent une bonne connaissance de la comptabilité, des finances et des affaires. Dans certains marchés, il faut en plus faire preuve de connaissances particulières. Si de nombreux dirigeants de coopératives et de mutuelles sont déçus de la taille trop imposante de leur conseil, d’autres expriment en plus la nécessité d’attirer davantage de gens de talent qui possèdent des connaissances spécialisées dans ces domaines.

Aucune tendance claire ne se dessine quant à la formation à offrir aux administrateurs pour favoriser l’acquisition de compétences. En Amérique du Nord, les programmes officiels de formation continue visant à perfectionner les compétences et les habiletés des administrateurs sont très répandus, ce qui n’est pas autant le cas en Europe.

Notre point de vue :
Une gouvernance prévoyante repose d’abord sur la définition claire des rôles, des responsabilités et de l’étendue des connaissances spécialisées requises, comme il est mentionné précédemment. On peut ainsi mieux identifier les domaines de connaissances particuliers des membres du conseil qui sont pertinents uniquement pour la coopérative, ou encore pour tous les secteurs et types d’organisations.

Un suivi étroit de la composition du conseil permet d’avoir une bonne compréhension des compétences qui y sont sous-représentées et surreprésentées. La composition du conseil et le perfectionnement des compétences font l’objet d’une approche stratégique qui permet de mieux cibler les possibilités favorisant la participation des membres et l’acquisition de connaissances en interne et en externe.

3/Autres caractéristiques du conseil d’administration

  • Taille du conseil d’administration
    Notre point de vue :
    Plutôt que de se concentrer sur la taille des conseils d’administration, une approche plus réussie pourrait être de créer un conseil d’administration qui réunit des compétences, de l’expertise et des perspectives diverses qui peuvent contribuer à la prise de décision efficace. Lorsqu’elles puisent dans une vaste gamme d’expertise et qu’elles sont soutenues par des rôles et des responsabilités qui sont clairement compris, les organisations avisées peuvent maximiser l’efficacité de leur conseil d’administration tout en laissant l’occasion aux membres d’apporter une précieuse contribution.

  • Durée de mandat
    Notre point de vue :
    La continuité est importante pour une orientation éclairée, mais parallèlement, les coopératives et les mutuelles bénéficieront d’un apport constant de nouvelles idées et de nouvelles voix. Les membres peuvent ainsi contribuer activement à façonner l’organisation.
    Les organisations audacieuses considèrent la planification de la relève comme un élément essentiel de la bonne gouvernance, ce qui les incite à mettre en oeuvre des procédures de recrutement de nouveaux membres potentiels pour le conseil de même que des programmes de dirigeants stagiaires pour attirer les jeunes, et à utiliser des structures, comme des comités et des groupes de travail, pour cultiver ce nouveau talent.
    La relève est d’autant plus importante si un grand nombre de membres du conseil approchent de la retraite.
    Le mentorat et la formation, de manière officielle ou non, sont essentiels pour entretenir l’expertise des nouveaux membres du conseil ou des membres potentiels, et pour perpétuer l’histoire de l’organisation et la «mémoire du conseil», ce qui permet d’assurer la continuité des activités et une certaine vision.

  • Transparence et communication de l’information:
    Notre point de vue :
    Les coopératives et les mutuelles reposent sur une extrême confiance parmi leurs membres. L’une des meilleures façons de maintenir cette confiance est de procéder à une communication complète et transparente des informations sensibles, comme la compétence, la présence et la responsabilité des administrateurs.
    Il s’agit également d’une méthode efficace pour contrebalancer les risques inhérents en n’ayant que des membres comme administrateurs. Cette façon de faire permet de créer un environnement qui favorise la transparence et l’engagement éthique, et renforce la responsabilité des administrateurs. La transparence envers les membres peut aider à établir un lien solide entre le conseil et la collectivité qu’il sert.

  • Les outils d’une gouvernance éclairée :
    Notre examen nous a permis de constater que les outils conçus pour aider à la bonne gouvernance et mis en place par les coopératives ou les mutuelles représentent un ingrédient essentiel au succès. Les outils cités comprennent les outils suivants :
    • Un document de référence sur les valeurs partagées et un code de déontologie
    • Un processus officiel d’évaluation des administrateurs, ou une autoévaluation, au cours duquel chaque administrateur prépare une évaluation de la performance de ses pairs et du conseil pour l’exercice, le trimestre, ou toute autre période d’activité
    • Une carte des risques qui présente des données relatives aux défis et aux dangers pouvant survenir dans l’atteinte des objectifs ou dans le cadre des activités
    • Un tableau de bord pour suivre les indicateurs de performance
    • La responsabilité de la direction, lorsqu’elle présente par exemple les résultats annuels (ou trimestriels, semestriels, etc.) au cours d’une présentation officielle au conseil
    • Un suivi des projets stratégiques
    Les organisations avisées demandent à leurs administrateurs de procéder à des examens réguliers des outils à leur disposition pour cerner les nouveaux besoins et promouvoir l’utilisation de ces outils.

Conclusion

Bien que chaque situation soit unique, les coopératives et les mutuelles de pointe sont celles qui favorisent leurs valeurs et principes uniques, et qui s’engagent à demeurer compétitives sur le marché tout en tirant parti des composantes d’une structure de gouvernance qui priorise les besoins des membres.

Ces coopératives et mutuelles de pointe doivent retenir les services des experts nécessaires et des administrateurs indépendants, communiquer l’information de manière transparente et mettre en place les outils conçus pour soutenir la bonne gouvernance.

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Il faut que ca change !
Gouvernance EW bis bis

Merci beaucoup pour ce partage très enrichissant. Dans le cadre d’un travail de master 1, effectué au sein de Coop14, nous avons identifié l’importance du partage des valeurs, du sens du projet et comment faire se rencontrer et vivre dans la durée les subjectivités individuelles des coopérateurs avec le sens commun et ce, dès les premiers contacts des personnes et futurs membres de la coopérative. Se relier aux coopérateurs est un vrai défi d’autant plus que la coopérative grossit.

Merci pour ce partage! La (bonne) gouvernance reste un sujet discuté à multiples reprises

Oui, je suis bien d’accord avec ce point.

Je pense qu’on gagnerait à avoir une stratégie média/influence (bouuuuuh les gros mots :wink: ). Plus généralement, l’ESS est vraiment sous-représentée dans le débat public, le dernier exemple étant la disparition du secrétariat d’Etat dans le remaniement ministériel.

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