''Les magasins coopératifs et participatifs ne sont pas une solution à la précarité alimentaire à moins que…'' Analyse Karin Dubois (Bruxelles, 2020)

Bonjour à tous,

Le titre est un brin provocateur mais voici un travail d’analyse que je trouve très intéressant de Karin Dubois du Centre Permanent pour la Citoyenneté et la Participation (CPCP) en Belgique.
Karin Dubois est diplômée en Sciences Politiques, en Sciences du Travail et en communication.

Le voici : Les magasins coopératifs et participatifs ne sont pas une solution à la précarité alimentaire à moins que…

A lire et à partager sans modération. L’auteur n’hésite pas à balayer certains clichés qui font réfléchir !
N’hésitez pas à réagir, partager votre expérience et donner votre avis !
Si nos amis des différentes food coop belges ont envie d’intervenir, qu’ils n’hésitent pas. Y’a t’il eu des suites à cette étude ?

Nadia

Extraits :
Introduction :

« Notre assiette témoigne d’une image du monde » 1 . C’est ce que déclare le professeur François Collart Dutilleul quand il développe le lien éminemment étroit entre le contenu de notre plat et le monde tel que l’on souhaite le voir. L’idée étant entre autre de pointer la nécessité de relocaliser son alimentation pour le bien de tous, au Sud comme au Nord de la planète.

Pour y arriver, il encourage le développement de projets de démocratie alimentaire et nous considérons – au CPCP – que les magasins participatifs et coopératifs font partie de ces types projets à encourager. 2

Au sein de l’équipe d’animateurs en éducation permanente, au CPCP, la question se pose toutefois de l’adéquation de cette initiative à la précarité alimentaire des publics fragilisés avec qui nous travaillons. Car, ce n’est un scoop pour personne, nos assiettes témoignent aussi d’une image de notre société. Et l’on s’interrogera d’ailleurs sur la place des précarisés dans ce projet coopératif.

Nos rencontres autour de ce questionnement nous ont enjoint à examiner le contenu de ces assiettes ; plus particulièrement ce qu’il coûte. Mais cette analyse ne serait que partielle si l’on passait sous silence les fantasmes quant à la manière de manger des personnes les plus démunies dans la partie francophone du pays. Des fantasmes dus en partie à une méconnaissance des freins que vit le public précarisé pour accéder à une alimentation saine.

Alors, si les magasins participatifs et coopératifs sont un bel exemple de ce que la société en transition est capable de créer, l’on s’interroge : sont-ils aussi un exemple de transition juste ?

Sommaire :
I. La place des personnes précarisées dans les magasins coopératifs et participatifs
II. Les freins à une alimentation saine et variée
III. Comparaison du panier de la ménagère : le coût de l’assiette
Que pouvons-nous constater à la lecture de ces chiffres ?
IV. Les fantasmes concernant l’alimentation des précarisés
‹ ‹ Bien manger ne coûte pas plus cher. C’est juste une question d’éducation! › › Un fantasme qui a la vie dure.

Conclusions : l’intégration des personnes précarisées à un magasin participatif est-elle aussi un fantasme ?

PrecaritéFoodCoop
PrecaritéFoodCoop1

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Je n’avais pas encore lu ce papier, qui commence à dater… En tout cas pour la comparaison des prix, qui m’étonne un peu.
En Belgique depuis début 2023, il y a des campagnes de relevé des prix systématiques organisées par la fédération Bio. Le résultat publié suite aux relevés du premier trimestre, c’est que le prix en grande surface n’est pas différent du prix en magasins de proximités, qui par contre proposent une démarche plus locale d’approvisionnement. Sur base du panier bio de cette étude, le prix chez Oufticoop (Liège) est effectivement 20% inférieur.
Par contre, j’imagine que le relevé de prix que je mentionne fais la moyenne des prix constatés et ne prend pas le prix minimal par enseigne, ce qui peut en effet potentiellement changer la donne, il faudrait que je me renseigne sur la méthodologie exacte.

La réflexion sur la mixité sociale reste par contre sans doute tout à fait d’actualité!

NB depuis lors, il existe bien un magasin coopératif à Jurbise, coquelicoop.be , mais j’ignore s’il est issu du groupe mentionné dans cet article.

Bonjour,
Sans être experte sur le sujet de la précarité alimentaire, mon sentiment est que le modèle des magasins coopératifs et participatifs 1) ne présente qu’une infime partie de l’offre de consommation 2) n’est pas compétitif par rapport à d’autres modèles type associatifs ou du réseau VRAC spécialement pensés / conçus (et donc financés publiquement) pour lutter contre la précarité alimentaire. Toutefois ces modèles sont selon moi complémentaires et à ne pas opposer car l’offre est tellement pauvre en termes de transition que chaque initiative est à valoriser. Nos magasins ne sont sans doute pas parfait pour répondre à la précarité alimentaire, mais constituent déjà une meilleure réponse que les magasins actuels de la grande distribution, qui pratiquent des prix bas sur les produits délétères pour la santé et se font des marges colossales sur les produits nécessaires (types fruits et légumes bio), ce qui est profondément injuste à mon sens.

Salut Anneso,

Je me permets de faire des remarques sur ce que tu dis ci-dessus :
" 1) Le modèle des supermarchés coop participatif, ne présente qu’une infime partie de l’offre de consommation"
Je ne suis pas sur de comprendre ce que tu veux dire par là. C’est sûr qu’on ne représente rien dans le secteur et qu’il y a une infinité de structures de distribution différentes des notres. Cela dit, il me semble qu’on peut réussir à proposer dans un même point de vente des gammes très larges, très compétitives en terme de qualité, de prix, de fraicheur… Il me semble que La Louve est bien positionnée à Paris, et perso, je fais toutes mes courses à La Cagette et je ne vois sincèrement pas d’équivalent. Nous avons des « lacunes » sur certaines gammes pour lesquelles la filière est inaccessible à nos magasins indépendants comme par exemple les gammes hard-discount. Mais est-ce un objectif de faire du hard-discount ? Je suis plus favorable à des solutions qui aident les individus à se payer de la nourriture saine, écologique, digne. Par exemple, la sécurité sociale alimentaire, les aides financières ciblées vers les individus en situation de précarité…

« 2) Le modèle des supermarchés coop participatif n’est pas compétitif par rapport à d’autes modèles de type associatis ou du réseau VRAC »
Je ne suis pas du tout d’accord. Ces réseaux là sont accessibles financièrement car ils sont subventionnés. Il me semble que du point de vue des pouvoirs publics, un supermarché coop comme La Louve ou La Cagette est beaucoup plus « compétitif » que ces structures. Tout simplement parce qu’elles sont financièrement autonome et ne reposent pas sur de la subvention aux frais de fonctionnement. Du coup, si les mêmes montants de subvention nous étaient accordés, nous pourrions offrir un service social au moins aussi compétitif. A cela prêt que nos magasins sont ouverts sur de larges amplitudes horaires, que nos gammes de produits sont plus larges, que nous avons plus de produits « frais »…etc. Ce n’est pas un détail pour tous les utilisateurs.
Je pense que c’est de notre ressort d’aller chercher de la subvention pour du travail social et de faire entendre ces arguments aux financeurs et c’est la seule issue que je vois pour sortir de notre « image » de club de bobo. A La Cagette nous avons la chance de pouvoir participer à une expérimentation de sécurité sociale de l’alimentation qui s’appelle (Territoire à Vivre). Les gens cotisent et reçoivent une somme d’argent mensuelle pouvant aller jusqu’à 100€/mois. Ils ne peuvent dépenser cet argent que dans un réseau de structures habilitées (parmis lesquelles on trouve des épiceries sociales, des groupements d’achats VRAC, des marchés de producteurs). La Cagette se taille la part du lion des dépenses faites dans le réseau ce qui montre que du point de vue des individus aussi, les supermarchés coopératifs et participatifs sont hyper compétitifs par rapport à d’autres modèles d’aide sociale. Il faut juste que nous prenions cette posture de structure dont la visée est de faire de l’aide sociale et que nous allions chercher de l’argent pour les personnes qui n’en ont pas assez.

On reste dans la logique assistantielle qui ne règle pas les inégalités de répartition des richesses… en attendant le grand soir !

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T’as des chiffres !?

Je n’ai pas la répartition globale des dépenses en MonA dans les différents points de vente. Je viens de demander l’info. Mais j’ai des échos de la part des gestionaires de la MonA. Je vous transmettrais l’info dés que j’en saurais plus.

En attendant j’ai les chiffres internes de La Cagette :
Depuis mi-février nous avons encaissé plus de 30 000€ en MonA.
Le ratio de MonA est en croissance depuis le début et a atteint 3,37% en juillet.
ça commence à faire un peu d’argent.

15% de nos nouveaux membres sont arrivés via la Caisse commune solidaire, ce qui représente 56 personnes depuis la mi-février.

Nous avons aussi 79 membres de la Caisse Commune qui étaient déjà membres de La Cagette et qui dépensent des MonA. Pour certain.e.s ça n’est pas un surplus de chiffre d’affaire pour La Cagette mais une substitution entre Euros et MonA. Mais certains de nos anciens membres qui sont en situation précaires peuvent aussi acheter plus de choses à La Cagette… c’est assez difficile à Evaluer !

En tout cas, tout ça est fort prometteur.

Je pense aussi que les supermarchés coop qui atteignent le fatidique seuil de rentabilité devraient réfléchir à consacrer un peu plus d’énergie dans la mise en place de programmes sociaux :

  • Recruter des travailleurs sociaux car c’est un métier, et on a besoin de savoir faires.
  • Aller chercher des subventions pour les distribuer aux personnes qui en ont besoin…etc
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