Les SCP dans la transition écologique

Bonjour,
Je prépare un article de recherche sur l’apport des supermarchés coopératifs et participatifs (SCP) dans un contexte de transition écologique. Mon cas d’étude est Breizhicoop, mais je me base beaucoup sur la comparaison des projets faites par Clotilde Grassart (@Clotilde ). J’essaie, entre-autre, de répondre aux critiques faite par El-Karmouni et Paul Cary. J’essaie d’avancer deux arguments que j’aimerais discuter avec vous. Je sens que ça peut intéresser les habituels de ces débats @Nadia @Antonin-Molino-Caget

  1. Plusieurs projets s’opposent au modèle de la Louve en ne voulant pas d’une équipe de salarié fort, en privilégiant l’autogestion, en restant à petite échelle, en mobilisant peu de grossiste et en n’offrant pas une gamme complète de produit. La production du modèle capitaliste de gestion décrié par Karmouni et Cary n’est vrai que dans une partie des SCP, ceux qui ont strictement imité la PSFC. Toutefois, cette posture à pour conséquence une plus grande difficulté à changer d’échelle et avoir des prix compétitifs, donc de toucher un plus large public. Par exemple, Breizhicoop (Rennes) s’oriente vers un scénario de déménagement dans un petit local semblable à celui qu’il occupe actuellement (270m2). C’est en partie un choix contraint par manque de locaux disponible, mais aussi un choix stratégique, parce que Breizhicoop se distingue de la grande distribution non par les produits qu’il vend, mais à travers ses valeurs et la participation des membres.

  2. Les SCP sont difficilement inclusifs envers les personnes marginalisées des quartiers défavorisées qu’ils entendent faire venir. De part les prix élevés, le bénévolat, la part sociale, l’ambiance bobo, ect.
    Toutefois, les SCP permet une forme de mixité sociale entre les générations et les profils variée de coopérateurs. Cela a deux forces : (a) faire de l’empowerment, c’est à dire faire monter en compétence les membres, leur donner les outils pour agir, et (b) cela permet de connecter les consommateurs aux producteurs, en impliquant les membres dans le cycle de vie des aliments

Merci pour votre contribution au débat !

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Salut Ali, c’est cool ça ! C’est une publi de sociologie, d’économie ? Dans une fac bretonne ? Bon je n’ai pas le niveau de nos débatteur.euses spécialistes bien cité.es mais proposerais viteuf ceci pour ne pas te laisser sans réponse :

  1. Les SCP n’existent pas ! Bon pardon pour la formule provoc, mais il existe en France de nombreux projets alimentaires citoyens, qui se positionnent selon un grand nombre de critères, ce qui rend difficile leur identification stricte à un modèle donné. C’est précisément cette diversité et l’adaptation à la culture et aux conditions locales qui font l’intérêt de notre petit monde :slight_smile:

Si nous autres les « supercoops », ou en tous cas les projets fréquentant ce forum, essayons de définir que nous sommes au minimum des structures dont chaque membre a une voix, où chacun.e participe obligatoirement au fonctionnement du magasin, et qui appliquent une marge unique à la revente, on se rendra vite compte que tout le monde ne s’appuie pas forcément sur ces trois « piliers », même dans cette version simplifiée ! J’ai de nombreux exemples et contre-exemples en tête, au bout de dix ans de tribulations dans le milieu élargi.

Donc bon, pour moi, les projets alimentaires citoyens se situent de fait sur un large gradient, et je pense qu’il y a un travail rigoureux de définition d’échelle et de concepts à réaliser avant de fixer l’échantillon de projets qui sera l’objet de l’étude. Mais j’imagine que c’était prévu :wink:

Cela dit, la PSFC, comme la Louve, comme la Cagette, comme Breizhicoop peut-être, ont changé chacune à de multiples reprises d’orientation ou de stratégie pour s’adapter à l’évolution de leur environnement, et c’est bien normal vu le contexte économique et social ! C’est toujours intéressant de comparer les valeurs affichées (les piliers du projet qui doivent durer un temps long, genre au moins 10 ans), les principes (les orientations stratégiques sur 2 ou 3 ans) et les projets (ce qu’on est en train de faire là les 6 prochains mois).

Dans ton exemple, « accessibilité, respect et qualité », les valeurs de Breizhicoop, ont l’air de coller avec le principe d’un magasin à petite échelle qui facilite plutôt la participation d’un nombre réduit de membres, et le projet d’un déménagement dans un local de même superficie, mais je suis sûr que tu vas gratter !

  1. Absolument d’accord avec toi, et il est particulièrement intéressant d’interroger des éléments de langage récurrents dans nos projets, au point qu’ils en sont parfois devenus de véritables fétiches ! « Mixité sociale », « Inclusivité », « Autogestion », « Gouvernance Partagée », « Éducation Populaire », « Soutien des producteurs »… on entend beaucoup ça, mais dans les faits, qu’est-ce que ça donne ?
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Bonjour
Je veux bien faire part du point de vue de coop14 (SCIC, paris, 300 coop, aucun salarié, 240m2) mais je préfère un échange oral faute de temps (0608575212) roussecarole@orange.fr

Pour les écrits universitaires mémoire M1universite Sorbonne paris nord, discipline sciences.humaines et société (parcours clinique des institutions) “ coopérateur et consommateur: le double positionnement des coopératives de consommation » Catalina Jaramillo Martinez, 2023.
Carole Rousse présidente coop14

Salut Ali,

Je propose deux remarques :

  1. Je trouve qu’il y a une classification assez basique qui peut aider à étudier les différentes structures. Il me semble que ça colle pas mal avec la grille de lecture proposée par Clothilde Grassart. Parmis tous les projets qui se classent eux meme dans la catègorie SCP, il y a :
  • des SCP : participation des membres, marge unique, gamme complète de produit, positionnement prix compétitif, horaires d’ouverture trés large, equipe salarié « nombreuse » et qui occupe une place centrale dans la gestion quotidienne. Clothilde Grassart prend aussi, à juste titre, le critère de la surface qui doit dépasser les 400 m2 ce qui fait rentrer dans la nomenclature légale des GMS (grandes et moyennes surfaces). La liste des structures qui rentrent dans cette catégorie tient sur les doigts s’une main (Louve, Supercafoutch, Superquinquin, Coop sur mer, Troglo et bientot Graoucoop). La Cagette fait le deuxième plus gros chiffre d’affaire mais ne fait pas les 400m2 et rentrerait donc dans la seconde catégorie… sniff.

  • des épiceries autogérées ou coopératives qui ont le projet de devenir un SCP.

  • des épicerie autogérés ou coopératives qui n’ont pas ou plus l’objectif de devenir un SCP mais qui continuent à utiliser le nom dans leur communication.

  1. Sur la question de la mixité sociale, du mantra et de la réalité. D’abord, je pense qu’il y aurait besoin d’objectiver un peu les choses par des enquêtes socio. Les deux enquêtes que nous avons menées sur La Cagette montraient que nous avions une population dont la rémunération était exactement sur le salaire médian français 1900€ net, avec une proportion de gens en situation précaire. On est donc loin de l’image du club de riches, mais en revanche, nous avions des marques d’une certaine homogénéité culturelle : extremement sur-diplomés, ayant voté à 75% pour Mélenchon, etc. On remarque aussi une certaine homogénéité raciale, avec très peu de gens d’origine maghrébine alors que nous sommes au porte de figuerolles qui est le quartier historique de la communauté au centre ville de Montpellier. Mais toutes ces données sont datées et notre sociologie s’est élargie et a dû beaucoup bouger ces trois dernières années. Nous ne demandons plus que 10€, d’inscription, nous pouvons les payer avec un fond dédié si la personne le demande, la gamme de produit s’est élargie, nous négocions mieux nos prix… Enfin, un point important, Nous avons actuellement une centaine de personnes qui ont fait des courses et des services et qui s’étaient inscrites via l’expérimentation de Sécurité Sociale de l’Alimentation de Montpellier. Nous avons donc une nouvelle population trés précaires, trés mixte culturellement. Elles reçoivent une enveloppe de 100€/mois en échange d’une cotisation adaptée à leur revenu.
    Un comité scientifique étudie l’expérimentation et en tirera des conclusions mais l’impression que nous avons c’est qu’il n’y a pas de freins majeurs à la participation de tous les profils SI on leur donne les moyens financier de manger autre chose que de l’ultra discount. Autrement dit : il faut arrêter de nous auto flageller sur l’absence de mixité car c’est principalement le fruit des inégalités sociales qui ont des sources structurelles sur lesquelles nous n’avons pas directement de prise.
    Il y a bien sur des freins à la mixité que nous tachons de lever quand la situation se présente et ça n’a pas l’air rédhibitoire :
  • problème de la langue étrangère
  • fracture numérique
  • absence d’adresse, de mail…
  • ajouts de produits à la gamme sur demande.
    C’est le travail que nous faisons avec les participants à l’expérience de SSA et ça a l’air de porter ses fruits.
    En tout cas, je discute avec plusieurs de ces personnes qui sont ravies de participer et qui viennent régulierement faire leurs courses et leurs services. Mais ce ne sont que des impressions pour le moment. La conclusion que je tire de tout ça, c’est que si nous avons une capacité à oeuvrer pour la justice sociale, c’est plus par la diffusion d’idées politiques, par la mise en place d’expérimentations, par la mobilisation citoyenne qu’en proposant des prix bas. Les questions de justice sociale ne peuvent pas être résolues dans un magasin isolé. Ce sont des problématiques de répartition des richesses, d’impots, de normes sociales et écologiques pour les entreprises. Il faut arrêter de faire reposer cette responsabilité sur les individus et défendre des changements politiques globaux. Et sur ce plan les SCP qui marchent sont un vrai propulseur collectif !
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